Le vote anticipé des forces de défense et de sécurité s’est déroulé, le dimanche 11 juin 2023, sur l’ensemble de territoire, à l’exception de Kidal où règnent les ex rebelles en maîtres absolus.
Alors, la question que l’on peut se poser est de savoir si le cas se répètera lors du scrutin du 18 juin pour les civils avec quelles conséquences pour le devenir immédiat du pays.
Le vote anticipé des militaires vise à leur donner les coudées franches le jour du scrutin pour la sécurisation des opérations de vote sur l’ensemble du territoire national, le 18 juin prochain. Ce vote s’est déroulé sur l’ensemble du territoire national à l’exception notable de l’enclave de Kidal.
À l’origine de cette situation inconfortable, le refus de la Coordination des Mouvements de l’Azawad (CMA) pour la tenue du scrutin dans l’espace qu’elle considère comme son fief naturel.
Selon des sources proches de la CMA, son opposition à la tenue du scrutin à Kidal s’explique par la violation de certaines dispositions de l’Accord pour la paix et la réconciliation au Mali, issu du processus d’Alger, concernant notamment l’article 6 du document signé le 15 mai 2015 et parachevé le 20 juin de la même année à Bamako, selon la CMA qui, on se rappelle, a suspendu sa participation à la réflexion et à l’élaboration du texte.
En vertu de cet article, «les Parties conviennent de mettre en place une architecture institutionnelle permettant aux populations du Nord, dans un esprit de pleine citoyenneté participative, de gérer leurs propres affaires, sur la base du principe de libre administration et assurant une plus grande représentation de ces populations au sein des institutions nationales ».
Mais, cette argumentation de la CMA a été battue en brèche par la Médiation internationale qui trouve que la tenue du référendum «ne fait pas obstacle à l’opérationnalisation de l’architecture institutionnelle prévue par l’Accord ».
« La Médiation relève que, sur la base de l’expertise qu’elle a commise, le projet de Constitution, qui reconnaît le principe de la libre administration des collectivités locales, ne fait pas obstacle à l’opérationnalisation de l’architecture institutionnelle prévue par l’Accord », peut-on lire dans son communiqué en date du 11 juin 2023.
Par conséquent, «elle demande, dans l’intervalle, aux Parties de faciliter le déroulement normal, dans les zones concernées du nord du Mali, du vote des membres des Forces de défense et de sécurité prévues ce jour (ndlr dimanche 11 juin), dans le cadre des efforts visant à assurer la bonne tenue du référendum constitutionnel».
En termes clairs, la Médiation invite la CMA à ne pas poser d’actes susceptibles de constituer une entrave à la bonne organisation du scrutin référendaire dont le vote des civils est prévu pour le 18 juin.
Pour leur part, les autorités de la Transition semblent privilégier le dialogue et la concertation afin de dénouer la crise, en évitant de s’engager dans un bras de fer dont les conséquences seront manifestement fâcheuses pour toutes les parties.
Cependant, tous les observateurs s’accordent à reconnaitre que pour la première fois, dans l’histoire moderne du Mali, le processus d’élaboration de la nouvelle Constitution a été à la fois inclusif et participatif, y compris en impliquant les communautés à la base à travers des foras à l’échelle des communes, des cercles et des régions.
En suspendant elle-même sa participation dudit processus, l’on peut affirmer que la CMA s’est auto exclue, en se privant des voies et moyens pouvant lui permettre de faire prospérer ses opinions et ses prises de positions, du moins partiellement.
Malgré ce boycott, certaines préoccupations de la CMA ont prospéré dans le nouveau projet de Constitution alors que même que l’opinion majoritaire n’y était pas favorable. Le cas emblématique, c’est la création du Sénat jugé, par ses opposants, budgétivore et inefficace. L’effectivité de la décentralisation est aussi une revendication phare de la CMA.
En dépit de tout ce qui précède, le principal reproche que l’on peut faire légitimement à la CMA, c’est le fait de brandir l’Accord pour la paix et réconciliation au Mali, issu du processus d’Alger, comme un fétiche, voire la Bible et le Coran, alors que la donne sécuritaire, dont ledit Accord est présenté comme étant une solution idoine, a radicalement changé, touchant même l’ensemble du territoire national. Toutes choses qui nécessitent une réadaptation de l’Accord pour prendre en compte les nouvelles donnes sécuritaires à travers une solution globale et structurée.
Que va-t-il se passer en cas de nouveau refus de la CMA pour la tenue du scrutin du référendaire du 18 juin ?
Le premier cas de figure est que le Mali continuera à privilégier le dialogue et la concertation en dépit du fait que la tenue du scrutin sans Kidal est porteuse de risques de partition pour le pays. Auquel cas, Kidal sera considéré comme une partie du territoire national où la souveraineté de l’Etat ne s’exerce pas.
Le deuxième cas de figure, c’est le passage en force par les FAMa pour imposer la paix à la CMA. Cette reprise des hostilités entre les FAMa et la CMA ne serait pas non plus sans danger pour la paix et la stabilité du pays tout entier.
Le fait notable, cette fois, est que les FAMa ne sont plus en position de faiblesse comme en 2012 ou en 2015 aux moments forts des hostilités entre différents belligérants dans le nord de notre pays.
Autrement dit, la CMA doit réfléchir par deux fois avant de s’engager dans un bras de fer meurtrier avec les FAMa dont elle n’est pas sûre de gagner la partie militaire comme par le passé.
Par Abdoulaye OUATTARA