Le Conseil de sécurité de l’ONU s’est réuni à New-York, dans la nuit du vendredi, pour un vote sur le projet de résolution porté par les Etats-Unis et l’Albanie pour condamner l’offensive militaire russe en Ukraine.
Comme prévu, le texte a été rejeté en raison du veto de Moscou. L’objectif de la démarche était de symboliser l’isolement international unanime de Vladimir Poutine, suite, dit-on, à la première guerre d’invasion sur le continent européen depuis 1939. Mais voilà, avec six votes contre dont le Mali, et les abstentions de la Chine, de l’Inde et des Emirats arabes unis, finalement le message de l’unanimisme et de la pensée unique occidentale se trouve fortement brouillé. En tout cas, c’est un non-alignement sur le camp occidental qui interroge. La fin de l’unanimisme et de la pensée unique peut-être ?
Quid du cas malien ? Pourquoi le Mali a-t-il choisi de voter contre la résolution tandis que tous ses voisins ont donné leur ok ? Comment notre pays se trouve-t-il dans ce petit groupe de six affidés à la Russie ? Y a-t-il un revirement diplomatique de la part du pays de Modibo Keïta qui est un membre fondateur du non alignement, sur les deux blocs, Est et Ouest ?
Petit retour en arrière. Le Mouvement des pays non-alignés est né en tant qu’expression des efforts de nombreux pays en voie de développement, en majorité issus de la décolonisation (dont le nôtre), d’éviter de faire le choix entre blocs politico-militaires et d’articuler leur approche indépendante dans les affaires internationales par la création d’une alternative politique durant la période de la guerre froide. Après la conférence à Bandung (l’Indonésie) de 1955, où les principes de la coexistence pacifique ont été exposés, c’était à Belgrade, à l’initiative de la République fédérative socialiste de Yougoslavie, où la première Conférence des pays non-alignés a eu lieu en 1961.
Les activités actuelles du Mouvement visent à la promotion des principes du multilatéralisme et à la défense des intérêts des pays en voie de développement, surtout dans le cadre des Nations Unies. Toutefois, beaucoup d’observateurs estiment que dans les bouleversements géopolitiques actuels, la meilleure position pour les pays africains comme le Mali, c’est le non alignement tel que défini à la Conférence de Bandung. Avoir notre propre voix à l’ONU au lieu de jouer les supplétifs, comme le préconise les BRICS ! Mais chamboulement des idées reçues : comme le Mali, le Brésil a choisi son camp en votant la résolution. La question est alors : que deviendra le Non-Alignement Actif (NAA) développé par Lula face à cette crise qui exige des contreparties politiques solides (de part et d’autre) et un soutien diplomatique clair ? Vu sous cet angle, comment peut-on et doit accabler le Mali pour un non alignement complaisant envers les Russes ?
Le non alignement n’est pas une incantation. Il exige des alliances et des appuis sûrs et fiables, des moyens diplomatiques, politiques et militaires, un budget… En sortant des illusions post-indépendances, on s’aperçoit que le Non Alignement n’est pas la solution pour un pays comme le nôtre, qui veut assumer sa souveraineté. Pour cause ? Contrairement à ceux qui croient qu’un pays aligné est forcément un pays qui suit aveuglément et perd du coup sa souveraineté, le Mali a besoin de soutiens et il doit de faire savoir soutenir sans ambiguïté. Comme les russes et les chinois ont l’habitude de voter contre des projets de résolution similaires appelant à des sanctions contre notre pays ou portant atteinte à sa souveraineté.
Le Mali était le chef de file du non alignement dans les années 1960. De nos jours, le Mali se retrouve dans le viseur de l’axe du Mal où les pays (forts) agressent des pays souverains sans fondement. C’est pourquoi il a besoin d’alliés diplomatiques fiables comme la Chine et la Russie au conseil de sécurité.
Dans un contexte international où la France elle-même qui était la troisième voie, l’équilibre entre Moscou et Washington, choisit son camp, celui d’appeler à condamner sans ambiguïté l’attaque russe contre l’Ukraine, pourquoi va-t-on en vouloir au Mali d’avoir voté contre la résolution pour un hypothétique risque d’isolement qu’on agite depuis maintenant un (1) an. Quel pays va-t-il couper ses relations diplomatiques, économiques ou militaires avec le Mali parce qu’il a voté contre le projet de résolution qui n’avait aucune chance d’aboutir face au véto russe.
La neutralité est souvent une forme de lâcheté. D’autres pensent que nous devrions nous abstenir lors du vote à l’ONU parce que nos voisins se sont abstenus. Sommes-nous dans le suivisme ? Ou ce sont nos voisins qui définissent notre politique extérieure ?
La Russie a bloqué combien de résolutions contre le Mali avec son veto au conseil de sécurité ? Si elle s’était abstenue à l’heure où nous parlons, le Mali serait la Libye. Combien de nos partenaires ont bloqué nos armements après achat ?
Grâce à la Russie nous parvenons à acheter nos armements et la livraison est garantie. Même à « lahara » (au-delà) il aura des centristes, ça ne va jamais changer et ça ne va jamais résoudre le problème.
Si c’est un revirement diplomatique, le Mali souverain assume sa position suivant les trois principes édictés par le président de la transition. Le Mali a voté contre la résolution des NU pour le retrait des troupes Russe en Ukraine. Cette décision des autorités maliennes doit être saluée car plusieurs fois déjà seule la Russie a soutenu le Mali lorsqu’on a injustement sanctionné ou voulu sanctionner le Mali. ‘’Horonya be fin bè la !’’
Chacun se rappelle en effet que la Russie et la Chine ont bloqué mardi 11 janvier 2022, selon des diplomates, l’adoption d’un texte du Conseil de sécurité soutenant les sanctions décidées par la Cedeao contre la junte au Mali, où une transition vers un pouvoir civil qui durerait cinq ans a été rejetée par la plupart des partenaires du pays. Proposé par la junte française, ce texte visait à obtenir une position unie du Conseil à l’égard des autorités de la Transition qui ne prévoient plus d’élections le 27 février 2022, comme ils s’y étaient initialement engagés. Lundi, la Russie avait réclamé de la « compréhension » à l’égard des autorités maliennes, au lendemain des sanctions inédites – fermeture des frontières, mesures économiques et financières lourdes prises par la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest. (Cedeao).
Lors de la réunion publique du Conseil, l’ambassadrice américaine à l’ONU, Linda Thomas-Greenfield, avait au préalable rejoint la position de l’Union européenne estimant que Washington refusait une transition au Mali qui durerait cinq ans et soutenir clairement les sanctions supplémentaires décidées par la Cedeao.
« Nous exhortons le gouvernement de transition à tenir son engagement envers le peuple malien de ramener son pays à la démocratie… Une transition de cinq ans n’est pas dans son intérêt et prolonge la douleur du peuple ».
La diplomate américaine a réclamé ici et maintenant des élections « libres, équitables » et « transparentes ».
Dans la nuit de lundi à mardi, le département d’État américain avait publié un communiqué avec les mêmes termes, soulignant que les États-Unis partageaient « la grande déception » de la Cedeao face au « manque d’action ou de progrès pour organiser des élections » au Mali. « Nous soutenons la décision de la Cedeao d’imposer des sanctions économiques et financières supplémentaires pour exhorter le gouvernement de transition à tenir son engagement envers le peuple malien de ramener son pays à la démocratie », avait précisé dans son communiqué le porte-parole du département d’État, Ned Price.
L’ONU elle-même étant contre le Mali, pour quelle raison le Mali va soutenir une résolution émanant d’elle contre son partenaire clé ? Le Mali assume sa souveraineté par cet acte. On ne nous dictera plus ce que nous devons faire. Comme les voisins le disent « ce qui est dit, est dit », et Somory Touré : quand un homme refuse, il dit non. Le Mali a dit non.
PAR ABDOULAYE OUATTARA