L’année 2022 tend vers son crépuscule. Dans les tarikhs de cette éternelle nation, il sera dit qu’elle a été une année kafkaïenne, mais aussi une année de résistance et de résilience pour un peuple debout qui dit NON, en dépit, envers et contre tous les faux amis qui ne conçoivent le Mali qu’aune de leurs intérêts difficilement superposables aux nôtres. On n’oubliera pas, en revisitant le film de cette révolution terrestre, de noter que «le Mali est le seul pays au monde dans lequel se superposent et se déroulent simultanément 4 types d’insécurité : le terrorisme ; les conflits communautaires manipulés par les terroristes et leurs sponsors étatiques étrangers ; la criminalité transnationale organisée et les actions violentes d’individus isolés. »
Durant l’année qui s’achève, dans la grande confusion de nos fractures futiles, coutumières, entretenues par chapelles inconciliables et insatiables, nous avons subi ensemble l’injuste et l’immonde embargo de nos voisins instrumentalisés. Pendant sept mois, le Mali et les Maliens ont fait face à l’ostracisme, l’iniquité, à la privation, à la disette, à la crise…
Après plus de 10 ans d’insécurité ayant fait des milliers de morts, autant de réfugiés et de déplacés, internes, n’est-ce pas un sacrilège de mettre une nation victime de l’insécurité, un pays enclavé sous embargo pendant sept mois, en procédant à la fermeture des frontières et la saisie de ses comptes financiers ? Mais totalement résolu, notre peuple a tenu bon an mal an, tel un roseau qui ploie, mais ne se rompt pas : plutôt la mort que la honte ; tel était l’hymne national sous l’embargo. En cela, 2022 aura été une année de résilience.
Bras de fer entre le Mali et
des partenaires
Les sanctions de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) n’ont pas été la seule épreuve à laquelle notre nation a été confrontée. Dès le petit matin de 2022, plusieurs autorités politiques avaient projeté et prophétisé la déflagration et l’effondrement de notre pays. Parce que sans Barkhane, le Mali tomberait, tel un château de cartes, dans l’escarcelle des Katiba djihadistes qui y érigeront des émirats. Mais c’était sans compter avec les plans de Dieu, le Miséricordieux qui a inspiré les autorités de la transition jusqu’à porter plainte contre la France pour complicité avec les terroristes. Celui qui cherche l’aiguille avait le pied dessus…
Ne s’avouant pas vaincus, les détracteurs du Mali, de l’intérieur et de l’extérieur changent de fusil d’épaule et donnent à la guerre livrée contre notre pays une nouvelle dimension. Au terrorisme entretenu par une conspiration étrangère contre notre peuple, s’ajoutent désormais l’outrancière et la perfide propagande contre notre pays et ses autorités, persiflés et diabolisés. La guerre de l’intox et de la manipulation bat son plein à travers les trolls créés, à force d’euros, sur les réseaux sociaux qui viennent en appui à des médias classiques en service commandé de la diplomatie française. L’ambassadeur de France dans notre pays, RFI et France 24 en ont fait les frais.
Le Mali qui est la cible principale, secondaire et accessoire de l’Élysée et du Quai d’Orsay assume et s’assume toujours contre la manipulation et l’injustice abjecte, en suspendant sa participation au G5-Sahel. Mais hélas !
En dépit de son propre narratif, ses rapports sur la situation de notre pays faisant foi, le secrétaire général de l’ONU, le portugais Antonio GUTERRES, se dégonfle et se débine dans la sordide affaire des ‘’mercenaires ivoiriens’’ allant jusqu’à tenter de nier avoir eu un échange téléphonique direct avec notre Chef de l’État. Comme le disent les Latins : «verba volant, scripta manent» (les paroles s’envolent, mais l’écrit reste).
En effet, dans son rapport du 30 mars 2022 : «…Le 17 janvier, le Secrétaire général a tenu des consultations directes avec le Président de transition afin de souligner l’importance d’un consensus autour de la voie à suivre».
Sous cette aune mensongère, Olivier Salgado n’est-il pas le bouc émissaire d’une affaire dans laquelle la Minusma s’était fourvoyé sans trop savoir comment et pourquoi… au regard des enjeux et intérêts inavouables ! Qui sont-ils ces frères ivoiriens, victimes collatérales d’une expédition honteuse dans laquelle ils ont été enrôlés, sans leur avis et consentement ?
Après, sont-ils des soldats, des mercenaires…
En tout cas, tout sauf des NSE, selon l’ONU elle-même qui affirme qu’elle n’aurait jamais donné son accord pour l’introduction dans notre pays aux armes avec lesquelles ils ont débarqué.
Oui, le Mali va les libérer au nom du bon voisinage, au nom des liens séculaires entre nos deux peuples, au nom de nos intérêts vitaux réciproques. Mais, il faudrait que soient reconnus la responsabilité de l’État ivoirien et le mensonge des autorités ivoiriennes sur cette affaire !
Les plus grandes nations (USA et Russie même récemment) font des échanges de prisonniers pourquoi pas le Mali et la Côte d’Ivoire ?
« Devant Dieu et en leur âme et conscience, nous demandons à ceux qui réfutent notre version, d’indiquer s’ils accepteront que des militaires ayant dissimulé leurs identités, en mettant sur leurs passeports qu’ils sont peintres, maçons, etc… avec des armes, débarquent dans leur aéroport, sans que le pays de destination n’ait été au préalable informé et dans le dessein funeste de déstabiliser ce pays. S’ils ne l’acceptent pas, en tant qu’État, si cela n’est pas possible à Lisbonne ou ailleurs, le Mali non plus ne l’accepterait pas en tant qu’État et ce ne sera pas non plus possible à Bamako ou dans une autre localité malienne », a martelé le colonel Abdoulaye MAÏGA.
Une année d’horreur
Dures ont été l’année et la vie des Maliens au cours de 2022. Toutes les communautés, tous les villages, toutes les familles ont pleuré un fils, une fille, un père, une mère, un oncle, une tante, un neveu, une nièce… Ces morts, nous les avons enterrés par dizaines, par centaines. Nous avons ensemble été éprouvés par ces villages attaqués, pillés, brûlés, ces convois de vivres incendiés, ces populations apeurées sur les routes de l’exode, ces bétails massacrés, enlevés ou détruits par la faim et la soif…
Voilà ce qui a été, sans exagération, le triste décor de notre Mali en dehors de Bamako.
Aucun patriotisme ne peut vernir ce drame…Mais le Mali est une nation, une grande nation. En dépit de nos succès (Mourra par exemple) contre l’ennemi, que d’écueils ?
Il nous faut reconnaître nos faiblesses pour les corriger. Ces épreuves nous les subissons ensemble, c’est ensemble que nous relèverons les défis auxquels nous sommes confrontés.
L’ennemi n’est pas seulement les terroristes et leurs complices désormais démasqués, mais à l’intérieur, la nation doit relever son plus grand défi : rassembler les Maliens sur la voie, la même voie, celle de la refondation.
On se souviendra de l’escapade du pantin autoproclamé président de la transition malienne depuis Abidjan. Comme si cela n’était pas suffisant, au cours l’année qui s’achève, on aura vu des politiciens chassés du pouvoir par la rue qui ont choisi la fanfaronnade, pour ne pas dire pantalonnade, de la non reconnaissance des institutions, puis ont salivé, à la perspective de la mort (politique ou physique) du Premier ministre, terrassé par un AVC, en applaudissant les colonels pour «choix judicieux du nouveau Premier ministre», un homme rassembleur et un homme de rassemblement…
Le clivage, il est dans l’ADN des politiciens maliens qui veulent tous aller à la soupe, et donc ne peuvent examiner l’avant-projet de la nouvelle Constitution qu’à travers le prisme de leur appétit ‘’pouvoiriste’’.
En cela, 2022 aura été une année kafkaïenne, une année de clivage. Mais si on ne s’accorde pas sur la réforme constitutionnelle comment ferons-nous pour les autres réformes et les élections ?
En rejetant l’avant-projet de la Constitution, les politiques ne prennent-ils pas le risque de rallonger davantage le calendrier électoral, les prochaines élections dépendant, en grande partie, du découpage territorial et électoral ?
Le combat pour le respect de la souveraineté
Avons-nous tout raté en 2022. Au contraire ! Depuis la fin de l’ère Modibo Keïta, c’est la première fois dans l’histoire que le Mali, en tant que Nation souveraine, s’illustre ainsi sur la scène internationale par la résonance et l’éloquence de son discours. De cette nation en proie à une crise multidimensionnelle, citée comme l’exemple achevé de faillite et de l’effondrement, le Mali devient la fierté du peuple africain, la locomotive des opprimés en quête de liberté et de souveraineté.
Désormais, tous les partenaires doivent faire les trois (3) principes de base de notre coopération : le respect de la souveraineté du Mali ; le respect des choix stratégiques et le choix des partenaires opéré par le Mali ; et la défense des intérêts vitaux du peuple malien dans les décisions prises.
Le Mali nouveau n’acceptera pas qu’on puisse nous imposer des agendas, qu’on puisse nous imposer notre propre agenda, nos priorités ; qu’on puisse nous imposer des diktats, comme dira le chef de la diplomatie, Abdoulaye DIOP.
Avec sa magie des mots, sa rhétorique inégalée, celui qui a tiré sa révérence le 16 janvier à 76 ans, l’ancien président de la République El Hadji Ibrahim Boubacar Keita, aura dit : le Mali est de retour, la nation malienne reste debout dans la tempête et avance… Comme lui, le Mali a perdu beaucoup de dignes fils qui ont hissé haut l’étendard de cette nation : Younoussi, SBM, Diango, Mah Kouyaté… Leur sacrifice n’aura pas été vain. Contrairement à eux qui ont préféré mourir sur la terre de leurs ancêtres, dans la dignité, d’autres ont préféré, au cours de l’année, prendre leurs jambes au cou pour se soustraire à la justice de leur pays.
2022 a été, comme dirait l’autre. Le Mali continue. Un nouveau jour se lève sur notre nation, même s’il est diversement apprécié à cause du clanisme. Le peuple (une très grande partie selon plusieurs sondages d’opinion) derrière ses autorités a décidé de prendre son destin en main. Il les soutient pleinement dans l’œuvre salvatrice de la Refondation de l’État ; ainsi que le retour à un ordre constitutionnel. Mais avant, «le Mali et son peuple ne seront pas des spectateurs face aux assauts et l’adversité : pour chaque mot employé de travers, nous réagirons par réciprocité, pour chaque balle tirée contre nous, nous réagirons par réciprocité». Qu’on se le prenne comme dit, parole d’un colonel dans un Mali des Colonels.
PAR SIKOU BAH