Au moins quatre otages ont été libérés le lundi 20 mars par leurs ravisseurs terroristes au Sahel. Une opération qui ravive les débats sur le financement du terrorisme, à travers le paiement des rançons contre la libération d’otages. Malgré que ce deal soit officieux, il étale une dichotomie dans la lutte contre le terrorisme. Le paradoxe est que d’une part, on s’engage à les combattre, d’autre part on les verse des sommes colossales avec lesquelles ils se servent pour se renforcer davantage. Pourquoi alors cette affabulation des grandes puissances consistant à faire injonction aux pays africains en proie à l’insécurité à ne pas négocier avec les terroristes ?
Le journaliste Olivier Dubois, l’humanitaire américain et deux agents de la CICR ont été tous libérés des mains de leurs ravisseurs, le lundi 20 mars, au Sahel où la sécurité est fortement dégradée à cause des opérations des groupes terroristes. Des sources avancent que le journaliste français et l’humanitaire américain, en violation de tous les textes interdisant le paiement de rançon, auraient été libérés contre de l’argent, une pratique devenue l’approche des terroristes de se faire des sous pour enfin de se renforcer. Chaque paiement de rançon est un moyen pour ces forces du mal de s’organiser et de préparer d’autre enlevement.
Ces libérations intervenues ce lundi ont ravivé les discussions autour du paiement des rançons aux terroristes en contrepartie de la liberté pour les otages même si officiellement les États qui entretiennent ce deal avec les ravisseurs affirment toujours n’avoir rien payé.
Avant celle de notre confrère, le journaliste Olivier Dubois, à laquelle on s’est tout de même réjoui, la France a démenti n’avoir rien versé pour la libération de Pierre CAMATTE se couvrant ainsi de toute accusation de violation des textes internationaux s’opposant au paiement de rançons aux terroristes.
En revanche, la version des négociateurs à l’époque soutenait que la France avait déboursé de l’argent contre la libération de son ressortissant en violation de la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée dispose en son article 5 (par. 1) que chaque État partie doit ériger en infraction « le fait de s’entendre avec une ou plusieurs personnes en vue de commettre une infraction grave à une fin liée directement ou indirectement à l’obtention d’un avantage financier ou autre avantage matériel ».
Selon un rapport du Comité consultatif du Conseil
des droits de l’homme de juillet 2013 du Conseil de sécurité des Nations unies, le paiement d’une rançon à des terroristes en échange de la libération de leurs otages peut être contraire à l’interdiction du financement du terrorisme énoncée dans la Convention internationale pour la répression du financement du terrorisme, laquelle en son article 2 qualifie d’infraction le fait de «fourni[r] ou réuni[r] des fonds dans l’intention de les voir utilisés ou en sachant qu’ils seront utilisés, en tout ou partie, en vue de commettre… [u]n acte qui constitue une infraction au regard et selon la définition de l’un des traités énumérés en annexe».
Prise d’otage, une pratique lucrative pour les terroristes
Cette pratique devenue l’une des sources principales du financement des terroristes est en forte augmentation dans le monde, mais particulièrement dans le Sahel où une grande partie est sous l’influence de ces forces obscurantistes.
Selon l’ancien ministre des Affaires étrangères de notre pays, Tiébilé DRAME, la prise d’otage est l’activité par laquelle les terroristes se font beaucoup d’argent à côté des opérations de trafic de drogues et d’autres initiatives illicites.
D’après Red24 citée dans le rapport, organisation spécialisée dans la sécurité mondiale, en 2011, environ 30 000 enlèvements avec demande de rançon ont été enregistrés à l’échelle mondiale. Selon des estimations mondiales, quelque 10 000 à 15 000 enlèvements sont commis chaque année, principalement en Amérique latine.
Si les « pays habituellement touchés comme le Mexique, le Venezuela, le Brésil et la Colombie continu[aient] de déplorer des taux d’enlèvements très élevés, cette forme de criminalité [constituait] également une menace considérable et/ou croissante en Iraq, en Afghanistan, en Somalie, au Pakistan, dans la région du Sahel et du Sahara en Afrique du Nord, au Kenya, au Nigéria, en Inde, en Chine, au Yémen et aux Philippines ».
On estime que « les terroristes parviennent à capturer des otages dans 80 % des cas, et obtiennent la rançon demandée dans 70 % des cas. Dans les incidents insurrectionnels avec prise d’otages, les terroristes obtiennent au moins une partie de ce qu’ils ont demandé dans 75 % des cas ».
L’enlèvement contre rançon est devenu une affaire très lucrative pour les terroristes et les organisations criminelles. D’après certaines statistiques jugées relativement modestes, le revenu mondial annuel provenant des enlèvements avec demande de rançon dépasse les 500 millions de dollars des États-Unis d’Amérique. Aux Philippines, par exemple, entre 1993 et 1996, une somme totale de 11 millions de dollars É.-U. a été versée pour la libération de plus de 600 personnes, la plupart prises en otage par la Nouvelle Armée du peuple ou le Front islamique de libération Moro. Après avoir atteint 113 en 1998, le nombre de cas d’enlèvements contre rançon enregistrés est tombé à 50 en 1999 avant de remonter à 99 en 2001.
La multiplication des cas de prise d’otages avec demande de rançon montre que le phénomène constitue une activité en plein essor pour les groupes terroristes. En outre, la prise d’otages contre rançon est de plus en plus intégrée dans le mode de fonctionnement des groupes participant à des actes de piraterie dans l’ensemble de la corne de l’Afrique.
Et de nombreuses informations indiquent que l’argent des rançons est utilisé pour d’autres activités terroristes. Par conséquent, on peut supposer que quiconque verse une rançon est au moins conscient du fait que cet argent financera d’autres actes de terrorisme.
En clair, les rançons versées servent à financer d’autres activités terroristes, ce qui accroit l’activité de ces groupes, multiplie le nombre des victimes et perpétue le problème.
La dichotomie de la France sur les négociations avec des chefs terroristes
En optant pour la libération des otages, il faut tout naturellement des négociations et des discussions avec les responsables des ravisseurs. Des négociations qui n’offusquent pas les autorités françaises qui interdisaient à notre pays de dialoguer avec les chefs terroristes malgré l’onction populaire de la conférence d’entente et du dialogue national inclusif tenus sous le Président Ibrahim Boubacar KEITA.
Sans équivoque, les conclusions de ces rencontres avaient préconisé de « négocier avec les belligérants du centre, en l’occurrence Ahmadou Koufa », le chef de la katiba Macina, et « les extrémistes religieux du nord, en l’occurrence Iyad Ag Ghali », devenu depuis l’émir du Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (GSIM).
Jusqu’à la brouille diplomatique entre la France et le Mali, l’ancienne puissance coloniale s’était montrée fermement opposée à l’ouverture de pourparlers avec ceux qu’elle désigne comme « groupes armés terroristes ». « Avec les terroristes, on ne discute pas. On combat », a sèchement résumé Emmanuel Macron dans une longue interview donnée fin novembre à Jeune Afrique. Un condensé de la position constamment défendue par Paris.
Pour sauver la vie d’un de ses ressortissants, la France cautionne le dialogue, les discussions avec les responsables terroristes, mais s’oppose à la démarche de notre pays qui cherche à se stabiliser, à travers des accords avec les terroristes comme Iyad Ag Ghali et Ahmadou Koufa, tous des Maliens.
PAR SIKOU BAH