Une étape de l’intolérance a été franchie ce lundi soir par des jeunes qui ont fait éruption à la Maison de la presse, un lieu symbolique de la liberté d’expression, pour empêcher une conférence de lancement des activités des responsables d’une nouvelle alliance. Un acte prévisible qui doit cependant alerter les autorités sur le risque qu’encourt la liberté d’expression chèrement acquise.

En lieu et place de débats d’idées et de la contradiction, comme dit-on, pour jaillir la lumière, certains ont préféré la force des bras pour s’opposer à une conférence de presse initiée par une nouvelle coalition politique constituée d’organisations de la société civile, des regroupements et partis politiques.
Lundi dernier, ils ont violemment interrompu ladite conférence à la Maison de la presse, haut lieu de la liberté d’expression dans notre pays.
Des différentes séquences de vidéo partagées sur les réseaux, l’on aperçoit des jeunes se donner des coups, des jets de chaise et des vitres de la Maison de la presse cassés au passage de ces barbares. Encore c’est un autre symbole agressé, après la présidence de la république (en 2012), l’Assemblée nationale (2020).
Sans détour, la liberté est l’une des valeurs cardinales auxquelles une grande partie de la population malienne est attachée, cependant la grande mobilisation pour la défendre est fonction de la position des uns et desautres dans la gestion du pouvoir. Or, le combat pour le respect de la liberté et le droit à la diversité d’opinion est un principe.
En tous cas, ces signaux qui nous lancés depuis quelque temps sont loin d’être un coup de hasard, mais la manifestation de la volonté de certains de nous ramener à l’ère de l’obscurantisme, de la pensée unique, où c’est la loi du plus forte qui s’impose excluant toute démarche de contradiction d’idées et d’opinions.
Rappelons-nous de ces partisans qui, sans ambages, appeller à rétrécir la liberté d’expression sous le prétexte que nous sommes sous une période exceptionnelle. Pour eux, une transition est synonyme de rejet des valeurs démocratiques, de privation des libertés individuelles, du non droit, entre autres.
Bien que la transition soit une période d’exception, elle ne s’oppose pas au respect des droits fondamentaux dont la liberté d’expression, de réunion et de manifestation. Elle n’est pas un régime des barbares.
Pour ceux qui brandissent aujourd’hui la terreur en vue de réduire certains au silence doivent bien se rappeler que l’article 10 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen (DDHC) du 26 août 1789 : « Nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l’ordre public établi. »
Ce qui s’est passé à la Maison de la presse est malheureusement tout le contraire de cette disposition nous enseignant la civilité, malgré nos divergences politiques, religieuses. A cet effet, les initiateurs, à l’image d’autres acteurs, ont voix au chapitre pour donner leur opinion sur la gestion de la transition, dans le respect de la loi.
Cette scène désolante ayant fait le tour des réseaux est l’une des preuves que notre monde (pays) se déshumanise et encourage la culture de l’intolérance quand certains se réjouissent de la commenter.
Loin déjà de porter l’accusation contre X en faveur de Y, mais ces fauteurs de trouble et de désordre alertent sur le danger qu’encourt la liberté d’expression, d’opinion dans notre pays qui a été pour autant arrachée au prix de sacrifice ultime. Une centaine de personnes ont donné leur vie pour que nous jouissions de ce droit si important auquel la population a été privée pendant des décennies de dictature sous Moussa TRAORE.
Et la Maison de la presse est l’une des incarnations de ce combat réussi contre la dictature ayant consacré le pluralisme démocratiques, la démocratie et la liberté d’expression dans notre pays. En saccageant ce symbole, c’est la mémoire de ces hommes et femmes tombés pour l’avènement de la démocratie dans notre pays qui est souillée.
La liberté d’expression exige une attention spéciale, car elle est, à la fois, un droit en soi, en même temps qu’un élément essentiel d’autres droits tels que la liberté de réunion. Et pour la Cour européenne des droits de l’homme « la liberté de la presse fournit à l’opinion publique l’un des meilleurs moyens de connaître et de juger les idées et attitudes des dirigeants et que, par conséquent, le libre jeu du débat politique se trouve au cœur même de la notion de société démocratique ».

PAR SIKOU BAH

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