Après quatre ans de procès, dont l’ouverture a eu lieu les 14 et 15 juillet 2020, l’ancien commissaire de la Police islamique de Tombouctou, Al Hassan Ag Abdoul Aziz Ag Mohamed Ag Mahmoud, a été reconnu coupable, ce mercredi 26 juin, de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité par la Cour pénale internationale (CPI). Il reste pour le condamné d’être fixé sur son sort
Enfin, le verdict dans l’affaire de Al Hassan est tombé. La Cour pénale internationale (CPI), à travers la Chambre de première instance X, à la majorité, a déclaré, ce mercredi 26 juin, M. Al Hassan Ag Abdoul Aziz Ag Mohamed Ag Mahmoud coupable d’une partie des charges portées à son encontre concernant des crimes de guerre et crimes contre l’humanité commis entre le 2 avril 2012 et le 29 janvier 2013, à Tombouctou, alors sous le contrôle des groupes armés d’Ansar Dine et Al Qaïda au Maghreb islamique (AQMI).
La culpabilité de Al Hassan établie par la CPI
Le verdict de ce procès très attendu par les victimes qui a permis d’écouter 52 témoins oraux a abouti à la culpabilité de l’ancien commissaire de police islamique de Tombouctou.
En effet, il a été jugé par son comportement et non sur la base de la religion musulmane « bien qu’Al Hassan ait travaillé pour un groupe qui revendiquait appliquer la charia islamique », lèvent l’équivoque les juges de la CPI.
Pendant l’occupation de Tombouctou, selon le juge Antoi Kesia-Mbe MINDUA, Al Hassa a joué un rôle clé dans la terreur qui s’est abattue sur la ville en supervisant des amputations et des flagellations en tant que chef de la Police islamique constituée par 20 à 40 membres. Après avoir été recruté en mai 2012 et pris du galon, Al Hassan a joué également au sein de la Police islamique un rôle essentiel dans le système Ansar Dine/AQMI pour commettre des crimes.
Il a été impliqué dans des interrogatoires où la torture a été utilisée pour obtenir des aveux, a indiqué le juge. Encore, il est associé à l’application des châtiments publics réservés à des personnes condamnées par le tribunal islamique.
Après plus de trois ans de procès, les juges de la CPI ont établi que le tortionnaire de Tombouctou est condamné « pour avoir lui-même commis directement les crimes, ou y avoir contribué avec d’autres, ou avoir apporté son aide et son concours à la commission des crimes commis par d’autres ».
En clair, il est reconnu coupable de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité, notamment pour actes de torture et inhumains, d’atteintes à la dignité de la personne, de flagellation.
Al Hassan acquitté pour des crimes
d’esclavage sexuel
Cependant, concernant les accusations de violences sexuelles ayant eu lieu à Tombouctou pendant la période des charges, M. Al Hassan n’a pas été reconnu avoir un lien avec ces crimes, et il a par conséquent été acquitté des charges suivantes : les crimes de guerre de viol et d’esclavage sexuel;
les crimes contre l’humanité de viol, d’esclavage sexuel et d’autres actes inhumains prenant la forme de mariages forcés. De même, il a été également acquitté du crime de guerre d’attaque contre des biens protégés.
Par ailleurs, la Fédération internationale pour les droits humains (FIDH) a salué ce verdict dans un communiqué rendu public ce jour.
« Ce verdict représente une étape importante pour les victimes dans leur quête de justice en lien avec les crimes internationaux commis au Mali en 2012. Il les console et les sort de l’indifférence dans lequel le déni de justice au niveau national les a plongées depuis plus de 12 ans, et rappelle l’urgence de mettre en place des mesures de réparation », a déclaré Me Drissa TRAORE, Secrétaire général de la FIDH.
Il s’agit de la première affaire de la CPI portant sur des crimes contre l’humanité commis dans le nord du Mali, marquant ainsi une étape importante pour la justice et la lutte contre l’impunité pour les atrocités de masse commises dans le pays, note la FIDH.
Le regret de la FIDH
Cependant, le verdict rendu aujourd’hui (NDLR ce mercredi 26 juin) est marqué par la déception liée au fait que les juges de la CPI n’aient condamné Al Hassan pour aucun crime lié au genre. Bien que la Cour ait reconnu l’existence de certains de ces crimes, elle a estimé qu’il n’y avait pas suffisamment de preuves permettant de les relier à l’accusé, et Al Hassan a été acquitté pour le crime contre l’humanité de mariage forcé et autres actes inhumains, l’esclavage sexuel comme crime contre l’humanité et crime de guerre et le viol comme crime contre l’humanité et crime de guerre.
Ce faisant, le FIDH estime que le verdict manque de reconnaître la gravité et l’impact des crimes liés au genre commis contre les femmes, les filles et les hommes à Tombouctou. La Cour a également manqué l’occasion de reconnaître la persécution fondée sur le genre comme un crime contre l’humanité, ajoute-t-elle.
« Je suis en partie déçue de ce verdict qui ne tient pas compte des viols, encore moins de l’esclavage sexuel, des souffrances que moi et d’autres femmes de Tombouctou ont subi avec la complicité d’Al Hassan. J’avais vraiment espoir en la CPI car on n’arrive pas à obtenir justice au niveau national. Et pourtant tout paraissait clair pour qu’il soit aussi condamné pour ces actes ignobles dont nous souffrons toujours des conséquences. Je souhaite cependant qu’une peine sévère lui soit infligée pour que cela ne se reproduise plus au Mali… », a déclaré une survivante participant au procès relevé par la FIDH dans son communiqué.

PAR SIKOU BAH

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