L’art diplomatique français consiste à dire ce qui n’est pas, à taire ce qui est. Comme dans le cas nigérien, c’est prendre la décision de se retirer sans le dire. Le spécialiste de cette langue de bois, Olivier Veran, porte-parole du gouvernement français, n’avoue pas le retrait des soldats français du Niger, il confirme seulement ce mercredi 6 septembre 2023 que des discussions ont eu lieu entre des responsables militaires locaux français et nigériens afin de coordonner les opérations sur le terrain. Sauf que des militaires français ne peuvent pas être locaux au Niger. A-t-il évité de dire : des discussions entre militaires (des militaires français et des militaires locaux) ?
Mais à la vérité, face au naufrage diplomatique et au fiasco militaire sur le terrain (le terrorisme triomphe toujours dans la région des 3 frontières, parce qu’elle y a importé ses terroristes), la France n’a pas le choix que de s’avouer vaincue. Mais comment le reconnaitre face à des Africains manipulés par Wagner, des ex-colonisés qui ne savent pas encore ce qu’est leur intérêt… ! Sinon depuis un mois, l’armée française est clouée au sol. Ni avion ni hélicoptère encore moins de drone ne vole, le ciel nigérien étant toujours interdit aux aéronefs militaires. Quand on veut faire la bravade, la déficience, on va jusqu’au bout. La même manière qu’on affirme ne pas reconnaitre la décision des autorités illégitimes de Niamey d’expulser l’ambassadeur de France qu’on s’entête à maintenir. De la même manière, on devrait pousser le courage (s’il est français) de continuer à faire voler les moyens militaires aériens déployés au Niger en violant l’espace aérien. Mais non, on ne prend pas le risque… comme face à la Russie qui possède l’arme atomique.
Face à la décision des nouvelles autorités et de la volonté du peuple souverain du Niger de voir les troupes françaises rentrer chez elles, Paris n’avait pas de choix. Dès le début elle avait envisagé de redéployer une partie des effectifs au Tchad, et avec l’évolution de la situation sur le terrain elle s’est rendue à l’évidence. Depuis, elle œuvre à procéder au retrait de la plupart de ses avions, hélicoptères et drones. A quelque chose malheur est bon : en partant du Niger aussi, elle réduirait (ou supprimerait) ses moyens aériens contre ses amis du JNIM et l’EI Sahel, parce que nul n’oublie que la France par la voix de son ministre des affaires étrangères, Jean Yves Le Drian, a expliqué qui sont les amis de la France. Nuance ou pirouette ?
Sa successeuse au Quai d’Orsay, Catherine Colonna, Ministre française de l’Europe et des Affaires Étrangères tente piteusement de nous faire avaler que «la ligne de la France, c’est d’être à l’écoute des Africains, pas de décider à leur place. La Françafrique est morte depuis longtemps» ! Si elle avait comme la France qu’elle incarne du respect pour nous, les Africains, elle aurait dit que la France est à l’écoute de ses intérêts, pas des Africains encore moins de leur intérêt. Parce qu’en soutenant un président renversé, Mohamed Bazoum, dont le retour au pouvoir est quasiment impossible, tout en négligeant la volonté du peuple, la France prouve que la Françafrique est bien vivante. Ça se voit que l’écoute semble bien sélective et s’arrête là où commencent ses intérêts géopolitiques et économiques. Alors loin d’être morte, la Françafrique semble avoir opté de changer de costume et de discours, au gré des évènements. On a tout compris…
La France n’est pas là parce que le Mali a demandé son aide contre les colonnes de djihadistes qui menaçaient de prendre Bamako ni pour les beaux yeux du Tchad ou du Niger. Elle est là, parce qu’elle y a intérêt. Elle est là uniquement pour veiller sur ses intérêts et non défendre la souveraineté du Mali ou protéger ses populations. Sinon elle était là quand une bonne partie du Nord du pays a échappé au contrôle des FAMas au profit de ses amis qui sont chez eux et qu’il y eu les massacres de Ogossagou et de Sobame-da…
Prendre prétexte du désir fantaisiste de la CEDEAO de rétablir l’ordre constitutionnel et de la démocratie pour refuser de quitter le Niger est de la poudre de perlimpinpin, une injure à l’intelligence des Africains.
Le président renversé du Gabon, Ali Bongo Ondimba, a t-il démissionné depuis sa mise à la retraite le 30 août par le Général Bruce N’Guema ? Pourtant la transition gabonaise a été mise sur les rails en moins d’une semaine, et la France était représentée à la cérémonie de prestation de serment ! Bazoum est-il plus légitime qu’Ali Bongo ? Le Gabon vaut-il mieux que le Niger ?
Dans sa débandade diplomatique, Paris ajuste le narratif, les médias mainstream sont priés de revoir les éléments de langage. Maintenant on dit «Militaires au pouvoir» au lieu de «junte nigérienne», même si au Gabon on a toujours préféré «Homme fort» à putschiste. Face à la pression de l’opinion publique, la France invente un narratif alternatif et opte d’abandonner progressivement les termes putschiste et junte, fâchent on le sait les officiers africains.
Et situation effervescente créée par l’assassinat d’un jeune tchadien par les forces françaises n’est pas pour conforter la présence française en Afrique. Il est difficile de prédire l’avenir, mais la présence française en Afrique semble bien compromise. Il faut noter que les effectifs militaires français au Sahel sont passés en un an d’environ 4 500 à 2 500, dont 1 500 au Niger et 1 000 au Tchad.
PAR ABDOULAYE OUATTARA