A l’issue de son sommet extraordinaire du 30 juillet 2023, la CEDEAO, en sus des sanctions diplomatiques, économiques et financières, donnera une semaine aux auteurs du coup d’Etat intervenu au Niger de remettre le pouvoir au «président légitime » au risque de s’exposer à une intervention militaire pour les y contraindre. Une semaine après, la question qui se pose est de savoir si la légitimité s’apprécie du point de vue de la CEDEAO ou du peuple qui a adhéré largement au coup d’Etat du général Abdourahmane Thiani applaudi ce dimanche par 30.000 nigériens de Niamey dans le stade Seyni Kountchié.

ais chacun sait aussi que l’équation nigérienne ne traduit pas en termes de légitimité, mais d’intérêts des grandes puissances impérialistes, pour la sauvegarde desquels on ne s’interdit rien : l’Irak, la Syrie, la Libye, le Mali …alors pourquoi pas le Niger ? La doctrine de la «non-ingérence mais non indifférence» n’est si vieille que ça et donc une intervention française (au regard des intérêts colossaux de cette junte) n’est pas à écarter. En tout cas, elle ne l’est pas par le CNSP nigérien qui, le ce dimanche a dénoncé la planification d’une opération militaire contre le Niger depuis deux pays de l’Afrique centrale.

Sans les nommer, les nouvelles autorités donnent de sérieuses indications sur l’identité du planificateur de l’intervention (le France) et des pays à partir desquels il se prépare (le Tchad et le Gabon). La France, n’étant pas membre de la CEDEAO et au regard de la dénonciation des accords de défense qui la lie au Niger, a-t-elle le droit et les moyens d’intervenir seule dans ce pays ?
Dans son communiqué N°22 daté du dimanche 6 aout 2023 est clair : «malgré la désapprobation des populations nigériennes et celles de la CEDEAO d’une quelconque intervention militaire au Niger, la planification de cette guerre a été effectuée avec le pré-déploiement des forces devant participer à cette guerre dans deux pays de l´Afrique Centrale.

Le changement de ton de la diplomatie française au Sahel peut en effet supposer que Paris a décidé de prendre le taureau par les cornes en donnant une leçon à tous les panafricains qui veulent s’émanciper de sa tutelle en commençant par le Niger. En effet, patiente et conciliante jusqu’ici, la situation au Niger aura été la goutte de trop pour la France malmenée ces derniers en Afrique. Aussi, Macron et sa junte ont-ils décidé affermissent la position de leur pays et se montrent intraitables envers les pays récalcitrants comme Mali, le Burkina, la guinée et le Niger.v«Basta ! ça suffit de faire les serpillères et se faire prendre pour des cons par le monde entier, la France doit aussi défendre ses intérêts un peu», conseillent les partisans faute d’être patriotes.

En tout cas on a vu Paris réagir avec la suspension de l’aide publique et l’aide budgétaire au Burkina et celle de tous les vols de Air France à destination du Burkina, du Mali et du Niger. En attendant que Orange, Canal+, Bolore, et tous les grand Groupe Français suspendent leur activité dans ces pays-la, Paris doit-il et peut-il intervenir seul au Niger, la CEDEAO encore et une fois de plus s’étant illustrée par son incapacité opérationnelle ?

Pour enlever tous prétexte et argument légal à la junte française, en fin stratèges, les nouvelles autorités nigériennes ont pris soin de dénoncer le jeudi 03 août 2023 les accords de défense autrement le cadre juridique qui lie leur pays à la France au plan militaire (relatif au statut, au cantonnement, a la mission des soldats sur notre sol)… «suite à l’attitude hypocrite de l’État Français dans les problèmes internes du Niger».
En effet, en dépit du fait qu’elle dispose de 1500 hommes redéployés après leur retrait du Mali, depuis les événements du 26 juillet 2023, la France s’est comportée de manière agressive, vilipendant les militaires nigériens en menant une campagne de désinformation et de déstabilisation contre le Niger. Pour préparer son opinion à une intervention armée au Niger, la France a rapatrié ses ressortissants, suspendu ses aides et menacé de représailles en cas d’attaque contre ses citoyens, ses intérêts et sa représentation diplomatique.
Or, les nouvelles autorités nigériennes qui s’attendent à un conflit armé avec la France à travers son bras armé qu’est la CEDEAO sont prêtes à en découdre. Dans leur communiqué N°22 de ce dimanche 6 août, elles déclarent que tout pays impliqué sera considéré comme cobelligérant et annoncent la fermeture à nouveau de l´espace aérien et préviennent que toute violation fera l´objet de riposte. Paris va-t-il s’arrêter en si bon chemin prenant le Niger comme affaiblit après 10 ans de lutte contre le terrorisme tout comme ses nouveaux alliés du Mali et du Burkina ?

Le principal défi pour la France dans l’équation nigérienne selon plusieurs observateurs n’est pas l’opérationnalité des armées sahéliennes mais le problème de logistique. Autrement dit avec quoi et comment intervenir au Niger.
Si la France décide d’intervenir en utilisant ses propres forces plutôt que de s’appuyer sur un groupe d’alliés de la CEDEAO (ce qui semble se dessiner), ces forces devront être transportées à Niamey pour extraire Bazoum, en finir avec l’armée nigérienne et ses alliés, et remettre Bazoum au pouvoir. Comme dans un film, pardon un peu comme elle a réussi à le faire en 2013 avec l’opération Serval. Le bémol et qu’on ne dit pas très souvent sur la place public, c’est que la France n’a pas géré seule cette intervention Serval du point de vue logistique même si elle s’en attribue la paternité. Pour la vérité historique, la France a loué une flotte d’An-124 aux compagnies aériennes russes Volga-Dnepr et Polet, à la 224e brigade volante du ministère russe de la Défense et à l’ ukrainienne des Antonov Airlines. Ce n’est pas tout, elle a également loué des avions Il-76 et An-12 à la compagnie biélorusse Ruby Star, ce dernier étant utilisé aujourd’hui pour les communications dans notre pays, diversification du partenariat oblige. Les forces françaises et d’autres forces de l’OTAN ont également utilisé des An-26 loués, ainsi que leurs propres A400, C-130 et C-160.

Au cours de la phase de déploiement de l’opération Serval (du 11 janvier au 28 février 2013), les Ruslans (Antonov 124-100 ou appelés Condor par l’OTAN) et les Il-76 (Iliouchine II-76) ont effectué près de 200 vols, les Ruslans représentant 115 vols, et un seul vol par l’An-225. Les C-17 des forces aériennes de l’OTAN ont effectué un nombre égal de vols (123). Toutefois compte tenu de la différence de capacité de charge, la flotte soviétique/russe a le plus contribué aux cargaisons transportées.

La situation a aujourd’hui totalement changé, car il n’est plus possible de reproduire une telle opération de transport. Les AN-124 russes ne sont plus disponibles pour des raisons évidentes, et ceux de l’Ukraine qui sont toujours en service sont occupés par des tâches de transport de son armée. De même, les C-17 de l’US Air Force et des pays de l’OTAN sont engagés, disent les connaisseurs, dans d’autres opérations. Les États-Unis pourraient potentiellement offrir leur aide, car ils possèdent toujours des C-5M et des C-17 non impliqués dans le transport ukrainien. Cependant, leur volonté d’aider la France reste incertaine, en tout cas mince, malgré les courbettes de Macron.
L’Europe peut-t-elle être d’un sécours pour Paris ?

Dans un entretien à LaStampa, ce lundi 7 août 2023, le ministre italien des Affaires étrangères, Antonio Tajani explique que «l’Europe ne peut pas se permettre un affrontement armé, nous ne devons pas être vus comme de nouveaux colonisateurs (…) Au contraire, nous devons créer une nouvelle alliance avec les pays africains, qui ne soit pas basée sur l’exploitation. Nous devons reporter l’option de la guerre le plus possible (… car, poursuit-il) la difficulté de cette intervention de force qui s’annonce, c’est qu’elle se situera en espace urbain, avec des populations fortement mobilisées en faveur de la junte et des milices populaires. Elle pourrait être extrêmement sanglante.”
Verdict : Paris n’a aucun levier juridique et logistique, donc opérationnel, pour intervenir au Niger. Mais bon… suivons.

Abdoulaye OUATTARA

 

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