Le projet de la nouvelle Constitution remis au Président de la transition, le colonel Assimi Goïta, ce lundi 27 février 2023, par la commission de finalisation à laquelle le Cadre a participé, comporte quelques modifications même si, selon son coordinateur Fousseini Samaké, l’architecture de façon globale reste intacte. Manque de temps ou d’initiative, les constituants commis ont été avares en innovations. Comme s’ils ont voulu faire du nouveau avec l’ancien, peu de choses ont changé, peu de choses nouvelles ont été introduites. Au point où l’on se pose la question s’il s’agit d’une révision constitutionnelle ou de l’élaboration d’une nouvelle Constitution. Puisse que la première hypothèse, on violerait l’article 118 de la Constitution emblématique du 25 février 1992 («Aucune procédure de révision ne peut être engagée ou poursuivie lorsqu’il est porté atteinte à l’intégrité du territoire. »), la parade serait alors de vendre au Colonel Assimi Goïta la vieille architecture constitutionnelle de la Ve République française sous un habillage nouveau, pour un nouveau Mali. Toutes choses qui constituent une sorte de duperie sur marchandise envers le président de la Transition qui pense que «la base juridique du Mali Koura se raffermit progressivement» alors qu’elle se trouve sur des sables mouvants du vieux chantier constitutionnel français. Comment en effet, l’édifice national du Mali Kura qui se veut souverain à tous les points de vue tiendrait et se raffermirait sur un vieux socle constitutionnel français ? N’est-ce pas une arnaque constitutionnelle que d’engager les Maliens sur du surplace en omettant royalement leurs attentes et leurs aspirations au renouveau ? En remettant son rapport, le Coordinateur a souligné que l’avant-projet de Constitution a été amendé dans certaines de ses dispositions. «Des parties ont été supprimées, certaines fusionnées et d’autres reformulées. », a-t-il précisé. Ainsi, a-t-il ajouté, grâce aux amendements, le nombre d’articles de l’avant-projet finalisé a légèrement baissé comportant désormais 191 articles contre 195 pour l’avant-projet primaire, a-t-il affirmé.
L’extrême longueur de texte laisse penser qu’on a voulu complaire ou plaire à tout le monde au risque de faire à une loi fondamentale de circonstance. Comment il a échappé à des constituants de telle expertise que point n’avait besoin de cet article 188 trop téléphoné, comme si ceux qui ont posé les actes du 18 août 2020 tremblent toujours pour leur tête ? «Les faits antérieurs à la promulgation de la présente Constitution couverts par des lois d’amnistie ne peuvent, en aucun cas, faire l’objet de poursuite, d’instruction ou de jugement. », ajoutent inutilement et dangereusement la Commission ?
Quid de la constitutionnalisation des 3 principes «assimiens» de la nouvelle gouvernance souveraine ? Et si demain, le besoin arrive d’avoir un quatrième principe. Outre donc son caractère de circonstance, le projet à tous les allures d’avoir été fait à la tête du client. Pour la meilleure compréhension de nos lecteurs, nous ouvrirons le dossier d’analyse, de décryptage et de débat sur un projet qui est loin d’avoir comblé toutes les attentes. Première partie.
1.Les modifications
La commission de finalisation en amendant l’avant-projet de Constitution a apporté des changements dans certains articles en vue, estime-t-on, de lever toute équivoque et mauvaise compréhension.
Sur les langues
A cet effet, sur la question des langues ayant fait l’objet de beaucoup de débats et de polémiques sur les réseaux sociaux et lors des rencontres publiques, la commission de finalisation a, cette fois dans le document remis au président de la Transition précisé dans l’article 39 du projet de texte que «les langues nationales sont les langues officielles du Mali. Une loi organique détermine les conditions et les modalités de leur emploi. Le français est la langue de travail. L’État peut adopter toute autre langue comme langue de travail ». Or, précédemment, l’article 31 disait que «les langues parlées au Mali par une ou plusieurs communautés linguistiques font partie du patrimoine culturel. Elles ont le statut de langues nationales et ont vocation à devenir des langues officielles. La loi fixe les modalités de protection, de promotion et d’officialisation des langues nationales. Le français est la langue d’expression officielle. L’État peut adopter, par la loi, toute autre langue étrangère comme langue d’expression officielle ».
Sur la laïcité
Les discussions sur la laïcité, à l’image de celles sur les langues nationales, ont été également houleuses. En effet, les religieux (musulmans) avaient formulé des réserves sur la notion de laïcité et d’aucuns y compris le Haut conseil Islamique avaient appelé de la proscrire de la nouvelle Constitution parce qu’elle est mal comprise par certains de nos compatriotes qui en profitent pour s’attaquer à l’islam.
C’est dans ce contexte qu’il faut comprendre que dans le projet de Constitution il est désormais stipulé à l’article 32 la précision importante aux yeux du Haut conseil que «la laïcité ne s’oppose pas à la religion et aux croyances. Elle a pour objectif de promouvoir et conforter le vivre-ensemble fondé sur la tolérance, le dialogue et la compréhension mutuelle. L’Etat garantit le respect de toutes les religions, des croyances, la liberté de conscience et le libre exercice des cultes dans le respect de la loi ». Une prévision qui sonne comme une concession contrairement à l’ancienne version qui soulignait que «la laïcité a pour objectif de promouvoir et conforter le vivre-ensemble dans la société, fondé sur la tolérance, le dialogue et la compréhension mutuelle. Pour l’application de ce principe, l’État garantit le respect de toutes les croyances ainsi que la liberté de conscience, de religion et le libre exercice des cultes. »
Nombre de ministre
Le verrouille du nombre des membres du gouvernement qui ne pouvait pas dépasser 25 personnes a sauté, comme de la Charte de la Transition. Toutefois le projet laisse la porte ouverte : «le Gouvernement comprend le Premier ministre, Chef du Gouvernement, et les ministres. Une loi organique fixe le nombre des membres du Gouvernement », retient l’article 75.Sur le Parlement
Par ailleurs, le document a modifié la dénomination la 2e chambre. Au lieu du Haut Conseil de la Nation, l’institution sera désormais le Sénat et ses membres sont appelés des sénateurs. Toujours au sein de la représentation nationale, un alinéa a été ajoutée à l’article 96 portant sur les membres de l’Assemblée en soulignant que «les Maliens établis à l’extérieur sont représentés à l’Assemblée nationale selon les modalités définies par la loi. »
2.Des articlés retirés
Au moins 4 articles de l’avant-projet initial de Constitution ont été retirés. Il s’agit notamment de :
L’article 115 : Outre le ministre porteur du projet de loi, des membres du Gouvernement peuvent assister aux séances des chambres du Parlement et intervenir dans les débats s’ils le demandent. Les ministres peuvent se faire assister par leurs collaborateurs.
L’article 144 : La Cour suprême décide du renvoi devant la juridiction pénale compétente des procédures dans lesquelles sont mises en cause les personnes bénéficiant du privilège de juridiction.
L’article 150 : Les fonctions de membre de la Cour Constitutionnelle sont incompatibles avec toute fonction publique, politique, administrative et toute activité privée et professionnelle lucrative, à l’exception des activités d’enseignement et de recherche.
L’article 151 : Les membres de la Cour Constitutionnelle prêtent, devant le Président de la République au cours d’une cérémonie solennelle, le serment suivant : «je jure de remplir consciencieusement les devoirs de ma charge, dans le strict respect des obligations de neutralité et de réserve et de me conduire en digne et loyal magistrat».
3. Deux nouvelles dispositions
Dans l’avant-projet de Constitution finalisé, la commission a mis fin définitivement à toute possibilité de poursuite contre les auteurs du coup d’Etat de 2020 malgré l’adoption d’une loi d’amnistie par le Conseil national de transition.
A cet effet, dans une nouvelle disposition (article 188), il est stipulé : «les faits antérieurs à la promulgation de la présente Constitution couverts par des lois d’amnistie ne peuvent, en aucun cas, faire l’objet de poursuite, d’instruction ou de jugement. »
Les autorités maliennes qui ont fixé la ligne de conduite de leur action reposant sur le respect des trois principes se trouvant désormais constitutionnalisés puisqu’ils sont consacrés par l’article 34. Celui-ci stipule : « L’action publique est guidée par les principes fondés sur le respect de la souveraineté de l’État, les choix souverains du Peuple et la défense de ses intérêts ».
PAR SIKOU BAH