Entre arrestations et interpellations dans plusieurs affaires remontant de l’ancien régime, la répression contre les alliés et barons du pouvoir déchu ne faiblit pas au nom de la lutte contre la corruption. Un combat auquel la transition entend mener jusqu’au bout en vue de donner corps à la lutte contre la corruption et d’être fidèle à son engagement d’instaurer le « Mali Kura » débarrassé des anciennes pratiques ayant affaissé l’État par le passé.
Le nouveau Procureur du Pôle économique et financier, depuis sa nomination, a engagé la lutte contre la corruption pour, dit-on, soigner l’image du pays souillée par ce fléau. Selon les données, la corruption fait des manques à gagner de plusieurs milliards de FCFA à l’État par an. Une véritable saignée financière pour le pays. Les rapports du Bureau de vérification général et d’autres services de contrôle en attestent parfaitement. Il suffit de jeter un coup d’œil sur ces différents rapports pour avoir de la migraine, tellement les sommes dérobées dans les caisses de l’Etat sont colossales.
Arrivée à la suite du coup d’État de 2020 contre IBK, la transition, depuis sa rectification pour marquer la rupture avec les anciennes pratiques et maintenir sa cote de popularité au top, est en train de donner un nouveau souffle à ce combat dont les premières tentatives n’ont pas été auréolées de succès.
Ainsi, depuis quelques mois, les lâchages se multiplient, incluant des soutiens plus solides de l’ancien président, feu Ibrahim Boubacar KEITA. Des approches qui pourraient être considérées et taxées de la chasse aux sorcières contre les anciens dignitaires. Mais que nenni. Chacun doit répondre de ses actes, tôt ou tard. Ceci est un principe non négligeable dans tout pays sérieux qui veut aller de l’avant.
Dans ce combat d’instauration de l’orthodoxie financière dans la gouvernance de notre État tachée par la corruption, récemment près d’une vingtaine de cadres, de personnalités sont arrêtés par la justice. Les montants détournés dans ces affaires sont souvent hallucinants dans un pays dont une frange importante de la population vit au seuil de la pauvreté.
À commencer par l’Assemblée nationale, un audit dans cette institution a relevé des irrégularités très considérables s’élevant à plus d’une dizaine de milliards de FCFA de manque à gagner. Pour cette affaire largement commentée par des médias locaux, au moins cinq personnes sont arrêtées depuis quelques jours. Il s’agit notamment de l’ancien président de l’Assemblée nationale, Issiaka SIDIBE ; l’ex-directeur administratif et financier de la même institution, Mamoutou TOURE dit Bavieux ; l’ancien Secrétaire général de l’Assemblée ; un comptable et un financier. Les malversations financières, dont ils sont accusés, sont relatives à la gestion de la 5e législature de notre pays (2014-2019).
Comme si cela ne suffisait pas, un autre coup dans la fourmilière dans la journée du mardi 29 août. Cette fois-ci, contre toute attente, le rebondissement dans ce dossier incriminant le président de l’Assemblée Permanente des Chambres d’Agriculture du Mali (APCAM), Bakary TOGOLA, dans la gestion de la Confédération des Sociétés Coopératives des Producteurs de Coton (C-SCPC) où il y a un trou financier de plus de 9 milliards de FCFA. Est-il encore inquiété pour cette affaire qui a été jugée par une Cour spéciale où il a été acquitté ?
À ce stade, aucune de nos sources n’avance des précisions. Cependant, le ministre de la Justice, garde des Sceaux, Mamadou KASSOGUE, après le verdict de la Cour spéciale acquittant M. TOGOLA, avait saisi l’Inspecteur en chef des services judiciaires pour l’ouverture d’une enquête administrative, parce qu’il soupçonnait des juges de pratiques douteuses.
Ce qui est par ailleurs certains, depuis le mardi dernier, avec 5 autres co-accusés, Bakary TOGOLA est placé en garde à vue pour faux et usage de faux et complicité, atteinte aux biens publics» par le Pôle économique et financier de Bamako.
En plus de ces personnes inculpées en attendant la manifestation de la justice, également hier mercredi 30 août, un autre responsable influent du régime d’IBK a été placé sous mandat de dépôt. Il s’agit du général Salif TRAORE, ancien ministre de la Sécurité intérieure et de la protection civile. Son arrestation est relative à l’affaire Securiport. Dans ce dossier, plusieurs autres barons de l’ancien régime sont également visés.
Auparavant, dans des affaires similaires, Soumeylou Boubèye MAÏGA décédé en détention ; Mamadou Camara, ancien ministre de la Communication et de l’Économie Numérique et ancien directeur de cabinet de la présidence libéré sous caution et Mme Bouaré Fily Sissoko, ancienne ministre de l’Économie demeure en prison depuis plus d’une année dans l’affaire d’équipements militaires.
Après ceux-ci, à qui le tour ? En tous cas, ce qui se passe ne présage rien de bon pour les anciens barons.
La sincérité de la transition dans la lutte contre la corruption doit aller au-delà de l’arrestation de ces cadres inculpés par la diligence des dossiers au niveau de la justice, à défaut elle s’apparenterait à un saupoudrage. Également pour sa crédibilité, la transition ne doit pas occulter les affaires rocambolesques de détournement de deniers publics rapportés dans les différents rapports du Bureau du vérificateur général pendant cette période transitoire. En somme, elle doit aussi songer à faire son bilan économique et financier pour donner un véritable sens à son combat contre la corruption et la délinquance financière devenues comme, disent certains, un mode de gouvernance dans notre pays. Malheureusement, les secteurs devant être les sentinelles contre la corruption sont parmi les plus corrompus.
PAR SIKOU BAH