2022 ! Elle est venue, et elle aura vécu, avec elle, notre nation et notre destin commun. Des promesses accomplies aux espoirs déçus ; des progrès réalisés aux faillites constatées, des cimes aux abysses ou inversement… Au banc de la communauté sous régionale, pour un délit de faciès notre pays aura fait face, dans la dignité, à sept mois d’embargo, une constante hostilité de la France et de ses alliés instrumentalisés.
Le feuilleton des 49-3 mercenaires ivoiriens chopés à l’aéroport de Bamako-Sénou aura tenu en haleine des chroniqueurs tout comme «le repos forcé» du Premier ministre Choguel Kokalla MAÏGA, qui s’est terminés par un «revirement vespéral».
2022 aura vu l’inédit et les scoops : l’investiture d’un président de la République à l’étranger (Ainéa Camara) ; des opposants qui jouent au poker-menteur (Affaire de la non-reconnaissance des institutions) ; le décès d’un Président de la République, un ancien Premier ministre mort en prison, les politiciens en fuite pour échapper à la justice de leur pays ; des gros bonnets envoyés à la MCA ; la France chassée du Mali ; l’introduction dans le vocabulaire politique de la «junte française»…la vie chère et l’insécurité montées en puissance. Mais, le Mali reste dans ses frontières. Avec ses nouveaux partenaires décriés par les Occidentaux, les FAMa font le job non sans grincement de dents de la communauté internationale habituée à instrumentaliser la question des droits de l’homme.
Durant l’année qui s’achève, le «malparlage» a été sévèrement recadré, et le procureur Touré n’est pas du rang de ceux qui badinent…
Les affaires ont fleuri en nombre et en diversité. Comment les cataloguer, les sérier ?
La chronologie lapidaire ne rend qu’imparfaitement un panorama aussi éclectique. Les hiérarchiser, c’est créer un ordre de priorité qui peut jurer par le séquençage des évènements. Alors nous avons choisi de vous faire revivre les grandes affaires de 2022, sans aucune chronologie des évènements, suivant notre sensibilité subjective. Avons-nous tout recensé ? Il est clair que rendre compte de 12 mois d’affaires en une semaine impose des choix et une compilation qui peut laisser à la trappe certains évènements non moins importants.
Que les lecteurs, d’emblée, nous fassent générosité de ses excuses et veuillent bien accepter de recevoir, par avance, nos chaleureux vœux de Bonne et Heureuse année 2023.
Assises nationales de la
refondation, ANR
Conformément à son programme d’action gouvernemental (PAG), le Gouvernement de transition a procédé à l’organisation des Assises nationales de la refondation (ANR), qui serviront de base au lancement des réformes politiques et institutionnelles visant à régler les causes profondes des crises récurrentes au Mali et à déterminer le calendrier de la tenue des élections et de la conclusion de la période de transition. Convoquées du 11 au 30 décembre 2021, au niveau des communes, des cercles, des régions ; et au niveau national du pays, les Assises nationales de la refondation (ANR) ont abouti à des recommandations de réformes politiques, institutionnelles, et des réformes de gouvernance de grande envergure, couvrant l’accès aux services sociaux de base, la protection des droits humains, la lutte contre la corruption, la mise en œuvre accélérée des volets clés de l’Accord de paix, la mise en place d’un organe unique de gestion des élections, et l’extension du calendrier de la transition.
Si les participantes et participants au dialogue national et d’autres parties prenantes importantes, notamment les partis politiques et les groupes de la société civile, se sont félicités de ses résultats, d’autres parties prenantes les ont, en revanche, critiqués. Parmi ces dernières, citons : le Cadre d’échange des partis et regroupements politiques pour une transition réussie, composé principalement de partis de l’ancienne majorité présidentielle ; la Coordination des mouvements de l’Azawad (CMA), associations et sympathisants de l’imam Mahmoud DICKO (CMAS).
Dans des déclarations distinctes, ces groupes ont rejeté le calendrier électoral proposé, affirmant qu’il violait la Charte de la transition et n’avait pas été discuté avec les parties prenantes concernées, et ont exhorté les autorités à permettre un retour à l’ordre constitutionnel en publiant un calendrier électoral réaliste. Dans un communiqué publié le 1er janvier 2022 par le Cadre stratégique permanent (CSP), les mouvements signataires de l’Accord ont annoncé que puisqu’ils n’avaient pas participé aux consultations nationales, ils n’étaient pas liés par les recommandations auxquelles elles avaient abouti.
Recommandations des ANR
Le succès majeur du gouvernement en matière de conduite de réformes politiques et institutionnelles est sans conteste la tenue des Assises nationales de la Refondation (ANR), en dépit des critiques compréhensibles. En effet, le processus ayant abouti à la tenue des ANR de l’État fut long et laborieux sur le chemin de la recherche d’un consensus minimal qui était une forte instruction du Président de la Transition, le Colonel Assimi GOÏTA, qui tenait avant tout à créer les conditions pour que les Maliens se retrouvent et discutent dans un esprit d’inclusivité.
Le rapport final sanctionnant la fin des ANR a été remis au Président de la Transition, Chef de l’État, le Colonel Assimi GOÏTA, le vendredi 11 février 2022.
Pour assurer le pilotage et le suivi des recommandations des ANR, un projet de Cadre stratégique de la Refondation de l’État (CSRE) et son Plan d’action (2022-2031) ont été élaborés. Les textes portant mise en place du comité de suivi évaluation des recommandations des ANRs sont adoptées.
En plus des Assises nationales de la refondation (ANR) dans le cadre de la conduite des reformes notamment du processus de la réorganisation territoriale, le gouvernement a procédé à la relecture des textes y afférents : Code des Collectivités territoriales, de la Loi déterminant les conditions de la libre administration des Collectivités territoriales, de la Loi portant statut particulier du District de Bamako et des textes relatifs aux conditions de nomination des représentants de l’État dans le District de Bamako.
Quant à la dépolitisation de l’Administration, fortement recommandée par les ANR, qui est au cœur de la Refondation de l’État, le gouvernement a finalisé le document de stratégie à la suite de la validation des termes de référence et la mise en place du Comité de pilotage.
Affaire de l’embargo de la
CEDEAO
Conformément aux décisions adoptées par le sommet de la CEDEAO du 12 décembre 2021, le ministre des Affaires étrangères et de la Coopération internationale, Abdoulaye Diop, s’est rendu à Accra, le 31 décembre 2021, pour présenter au Président de la Conférence des Chefs d’État, le Président du Ghana, Nana Akufo-Addo, les résultats des Assises nationales de la refondation (ANR) et une proposition de prorogation de la transition pour une période maximum de cinq ans. La proposition faite souverainement par les Maliens lors ANR ne répondait pas aux attentes de la CEDEAO qui escomptait une brève prorogation de la période de transition. Aussi elle a dépêché son Médiateur, l’ancien président du Nigéria Goodluck Jonathan, à Bamako, le 5 janvier 2022, pour qu’il puisse trouver un compromis avec les autorités de la transition afin de ramener le calendrier électoral à un délai «raisonnable».
N’ayant pu faire fléchir nos autorités et leur imposer les diktats de la CEDEAO, le 9 janvier 2022, le Syndicat des chefs d’État a convoqué, à Accra, un sommet extraordinaire sur le cas du Mali.
Jugeant inacceptable la proposition d’un calendrier sur cinq, puis quatre ans, et intolérable l’attitude de nos autorités qui restent cramponnées sur leurs positions dites souveraines, la CEDEAO a décidé d’imposer à notre pays de nouvelles sanctions politiques, diplomatiques, économiques et financières, inhumaines et injustes.
Au nombre de celles-ci : la fermeture des frontières terrestres et aériennes entre les États membres de la CEDEAO et le Mali ; la suspension de transactions commerciales et financières entre les États membres de la CEDEAO et le Mali ; le gel des avoirs du Mali et des entreprises publiques dans les banques centrales et commerciales des États membres de la CEDEAO ; la suspension de l’aide financière au Mali, ainsi que des transactions financières avec ce pays. Elle a également décidé de rappeler tous les ambassadeurs des pays membres de la CEDEAO à Bamako pour des consultations et a immédiatement activé son baga-baga fétiche : la Force en attente de la CEDEAO.
Une session extraordinaire de la Conférence des chefs d’État et de gouvernement de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA), tenue tôt le matin, avant celui de la CEDEAO le même jour, avait pris des sanctions financières et illégales contre les textes l’UEMOA.
Affaire du plan de riposte
Dans un communiqué publié du même 9 janvier 20222, le Gouvernement de transition a fermement condamné les décisions de la CEDEAO et de l’UEMOA, qu’il a qualifiées « d’inhumaines, illégales et illégitimes ». Sur la base du principe de réciprocité, notre pays a aussi fermé ses frontières terrestres et aériennes aux États membres de la CEDEAO et rappelé ses ambassadeurs des États membres de la CEDEAO. Tout en se déclarant prêt à dialoguer avec la CEDEAO, le Mali a souligné qu’il prendrait «toutes les mesures nécessaires » pour contrer les sanctions et il a mis au point un plan national de riposte, articulé autour de mesures diplomatiques, économiques, sociales et juridiques.
Ce plan de riposte du gouvernement aux sanctions de la CEDEAO et de l’UEMOA a été adopté lors d’un Conseil supérieur extraordinaire de la défense nationale tenu ce 14 janvier 2022sous la présidence du président de la transition, le colonel Assimi Goïta.
Il s’agit d’une part d’un plan exhaustif qui « essaie de prendre en compte les priorités et les préoccupations de nos populations en termes d’approvisionnement en produits de première nécessité » d’autre part d’un « Plan transversal qui comporte plusieurs composantes : des questions diplomatiques, géopolitiques, économiques et financières ainsi que des questions sociales ».
Selon le ministre de l’Administration territoriale et de la Décentralisation, Porte-parole du Gouvernement « l’objectif de ce Plan n’est pas d’être dans une posture de bras de fer avec la CEDEAO et l’UEMOA. Le chef de l’État dans son adresse à la nation, le 10 janvier 2022, l’a bien rappelé, nous restons toujours ouverts au dialogue…notre souhait est que ces sanctions soient les plus brèves possible aussi bien dans l’intérêt du peuple malien, ainsi que dans l’intérêt des États de la CEDEAO et des États de l’UEMOA ».
Plusieurs acteurs politiques, sociaux, religieux et acteurs de la société civile ainsi que des syndicats ont dénoncé les sanctions. En signe de soutien aux autorités de transition, les Maliennes et Maliens de Bamako et de plusieurs régions sont également descendus dans la rue, le 14 janvier 2022, pour protester contre les sanctions.
Le 21 février 2022, le gouvernement de transition a annoncé qu’il avait déposé deux plaintes auprès de la Cour de justice de l’UEMOA concernant la légalité des sanctions financières et monétaires.
Affaire du coup de fil…
Plusieurs initiatives ont été prises pour trouver une issue à l’impasse et au manque de confiance apparent entre le Mali et les partenaires régionaux et internationaux. Au nombre de celles-ci, le fameux coup de fil entre Assimi Goïta et Antonio Guterres que ce dernier confirme dans son rapport sur la situation du Mali en date du 30 mars 2022 (S/2022/278). Or, interrogé par France 24, en septembre dernier Antonio Guterres nia avoir parlé directement avec notre président. Le 17 janvier 2022, en effet, selon ce rapport, « le Secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres a tenu des consultations directes avec le Président de transition, le colonel Assimi Goïta, afin de souligner l’importance d’un consensus autour de la voie à suivre ».
Le 25 janvier 2022, le Président de la Commission de l’Union africaine, Moussa Faki Mahmat, s’est rendu à Bamako et a tenu des consultations avec les autorités de transition, notamment, le Président et le Premier ministre. À Bamako, le Chef de la Minusma, El Ghassim Wane a maintenu des consultations régulières avec les autorités de transition pour encourager la reprise du dialogue avec la CEDEAO et la soumission d’un calendrier électoral consensuel, notamment par l’intermédiaire du comité local de suivi de la transition composé de représentants de la CEDEAO, de l’Union africaine et de la MINUSMA.
Affaire des mécanismes
consultatifs
Le 31 janvier 2022, lors d’une réunion avec le comité local de suivi, le Gouvernement a annoncé son intention de s’approprier la recherche d’une solution relative à la transition, mettant en place deux groupes de travail aux niveaux politique et technique. Le premier est un groupe de travail de niveau ministériel, présidé par le ministre des Affaires étrangères et composé de représentants du Ghana, de la Mauritanie, du Nigeria, du Sénégal, de la Sierra Leone, du Togo, ainsi que de l’Union africaine, de la CEDEAO et de la MINUSMA, qui a pour objectif de faciliter le dialogue entre les parties prenantes concernées. Le second est un groupe de travail technique, chargé d’examiner le projet de calendrier électoral proposé par les autorités de transition. Supervisé par le ministère de l’Administration territoriale et de la décentralisation, il comprend des experts techniques du Gouvernement, de la CEDEAO, de l’Union africaine et de la MINUSMA.
Ces mécanismes consultatifs ont été mis en place quelques jours avant le sommet extraordinaire de la Conférence des chefs d’État et de gouvernement de la CEDEAO, tenu le 3 février 2022 à Accra, à l’issue duquel il a confirmé les sanctions imposées au Mali, exhorté les autorités à proposer un calendrier électoral acceptable et réaffirmé l’engagement de la CEDEAO à fournir l’assistance technique nécessaire, en collaboration avec l’Union africaine et les Nations Unies.
Ballet diplomatique
C’est dans ce cadre que la CEDEAO a dépêché à Bamako, du 15 au 18 février 2022, une équipe technique dirigée par son Commissaire aux affaires politiques, à la paix et à la sécurité et comprenant des experts électoraux. Des experts de la CEDEAO, de l’Union africaine et de la MINUSMA ont travaillé avec leurs homologues maliens pour examiner les progrès réalisés.
Les discussions se sont concentrées sur trois domaines clés : l’établissement des priorités concernant les réformes nécessaires à la tenue d’élections ; la détermination d’un calendrier raisonnable pour ces réformes ; la définition des ressources nécessaires pour assurer le respect de ce calendrier. Parallèlement, le Commissaire et le comité de suivi local ont tenu une série de réunions avec les ministères responsables de l’organisation des élections.
Dans la foulée, le médiateur de la CEDEAO, l’ancien Président du Nigéria, Goodluck E. Jonathan, est venu à Bamako, le 24 février 2022, pour évaluer lui aussi les progrès réalisés en vue de l’établissement d’un calendrier électoral mutuellement acceptable. Accompagné de membres du comité local de suivi, le Médiateur a également tenu des réunions avec les principaux responsables du Gouvernement, y compris le Président de transition. Dans son communiqué du 25 février 2022, le Médiateur a notamment réitéré l’engagement de la CEDEAO à poursuivre le dialogue pour faciliter le retour à l’ordre constitutionnel, pris note de la volonté des autorités de transition de poursuivre le dialogue avec la CEDEAO, souligné que le comité de suivi local et les experts poursuivent les discussions avec les autorités maliennes.
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