Le président de la Transition, le colonel Assimi GOÏTA, initiateur de la réforme constitutionnelle, a reçu ce lundi 27 février 2023, des mains du coordinateur de la commission de finalisation, l’avant-projet de la nouvelle Constitution. Comme on ne change pas une équipe qui gagne, le fond ne trahit que rarement la forme. De finalisation, il s’agit que d’un petit rafistolage, supprimé des parties par-ci, fusionner ou reformuler d’autres par-là, et le tour de force de la finalisation est joué. On sert la même sauce au locataire de Koulouba sous un nouvel emballage, pardon dans une nouvelle présentation, et tout le monde applaudit sauf les grincheux. Pardon, cette fois certains d’entre eux y étaient et ont même eu, dit-on des perdiems… Mais a-t-on résolu toutes les équations qui se posent au Mali de Assimi Goïta ? Ce dernier, comme ses prédécesseurs, n’est-il pas en train de se laisser berner ? En quoi déclasser le français comme «langue d’expression officielle» pour, dit-on, le reléguer comme «langue de travail», comme si on l’avait chassé à l’image de Barkhane, participe-t-il au renouveau du Mali ? A-t-on fait le choix le plus adéquat, par-delà notre anti-francianisme désormais primaire, de substituer nos langues nationales au français ?

En cédant aux chants de sirènes des souverainistes, Fousseini Samaké et ses camarades font de la nouvelle mouture le reflet des « aspirations profondes de notre peuple», mais sera-t-elle la manifestation d’un « renouveau démocratique » ? Pour paraphraser le président de la transition, s’il reçoit l’onction populaire au cours d’un référendum, la nouvelle Constitution devrait régir l’organisation et le fonctionnement de l’État et de ses institutions mais aussi leurs rapports avec les citoyens.
Qu’on ne s’y méprenne pas, à Info-Matin, nous sommes Maliens jusqu’à la moelle. Si on avait le choix, on ferait sortir le Quotidien des sans voix en langue nationale. Mais comment sortir une langue parmi les nombreuses langues reconnues ? Jusqu’ici la langue de «Djougou», c’est le mal nécessaire, c’est le trait d’union. Mais voilà, la commission de finalisation de la nouvelle Constitution, sous la pression passionnelle de l’opinion publique certainement, propose de déclasser l’usage de la langue française.

Dans l’avant-projet de 2022 comme dans la Constitution du 25 février 1992, le français était « la langue d’expression officielle ». La commission avait proposé l’année dernière de faire en sorte que les langues locales aient vocation à devenir « langues officielles ». Que s’est-il passé entre temps pour que dans le nouveau projet, « les langues nationales (soient) les langues officielles du Mali » et que « le français (soit) la langue de travail » ? En effet, suivant l’Article 31 : « Les langues nationales sont les langues officielles du Mali. Une loi organique détermine les conditions et les modalités de leur emploi. Le français est la langue de travail. L’Etat peut adopter toute autre langue comme langue de travail. » Le Mali peut-il aujourd’hui se passer du français comme langue d’expression officielle et comme langue de travail ? Sinon dans combien de temps envisageons-nous de nous débarrasser de la langue de Molière, de la remplacer par une «autre langue comme langue de travail» ? Et laquelle ? L’Anglais ? Le Chinois ? Le Russe ? L’arabe ?

Nous avons encore du chemin à faire pour l’uniformité linguistique. Dans un pays où l’on parle des dizaines de langues nationales (70 selon certains linguistes), ce n’est pas demain qu’on aura une langue nationale comme langue officielle. Le choix de la commission de ne pas choisir une au détriment des autres a, à cet égard, du sens. Mais pour le reste, c’est le pilotage, comme on le dit : allons seulement, l’intendance suivra…
Quand l’avant-projet finalisé dit que les langues nationales sont les langues officielles du Mali, de quelles langues s’agit-il ? Selon la Loi n°96- 049 du 23 août 1996, les langues nationales du Mali sont : le bamanankan (bambara), le bomu (bobo), le bozo (bozo), le dogono (dogon), le fulfulde (peul), le hasanya (maure), le mamara (miniyanka), le maninkakan (malinké) le soninké (sarakolé), le soKoy (songhoï), le syenara (sénoufo), le tamasayt (tamasheq), le xaasongaxan (khassonké). Mais pour ceux qui savent, il y a combien de variantes de dogon ou bobo ? Chaque langue nationale au Mali a ses déclinaisons dont il faut tenir compte. Donc, ce n’est pas toutes les langues nationales qui sont des langues officielles ; il s’agit expressément des 13 langues que la loi distingue. Mais alors pourquoi les autres langues nationales ne seraient pas officialisées ? C’est faire la différence entre langue nationale et langue officielle.

Langue nationale
Une langue nationale est une langue considérée comme propre à une nation ou un pays, et dont la définition exacte varie selon les pays. Dans certains pays, une langue peut avoir un statut de langue nationale reconnu par le gouvernement ou la loi. Selon les pays, la notion ne se confond parfois pas avec celle de langue officielle. Comme il s’agira du cas de notre pays. Jusqu’ici en Afrique, les langues officielles sont généralement des langues utilisées par l’administration ou les écrits, alors que les langues nationales sont généralement des langues orales et vernaculaires.
Selon l’Unesco, la langue nationale est une langue parlée par une grande partie de la population d’un pays qui peut être désignée comme une langue officielle, la loi imposant alors son emploi dans le domaine public.
Dans les sociétés où il n’existe qu’une seule langue nationale, établie de longue date, le choix de la langue d’instruction dans les institutions éducatives ne pose aucun problème, la langue nationale étant la langue maternelle de la grande majorité de la population. Par contre, dans les sociétés multilingues, il en va tout autrement. Le choix de la langue est alors une importante décision politique.
Une langue dite « nationale » jouit, quant à elle, d’une certaine forme de reconnaissance de la part d’un gouvernement, mais ce dernier n’est pas tenu de fonctionner dans cette langue.
Un gouvernement qui octroie à une langue le statut de « langue nationale » choisit normalement d’en assurer la protection, la promotion, puis d’en faciliter l’usage par les citoyens.

D’un point de vue juridique, la langue nationale peut être considérée connue appartenant à une catégorie un peu moins élevée que la langue officielle. Désigner une langue ou des langues connues nationales par une loi constitutionnelle, c’est simplement attacher à ces langues certains privilèges juridiques au profit de l’usager. Elles se trouvent à recevoir de l’État une sorte d’onction, qui est purement facultative, mais sans pour autant recevoir l’appui de ses ressources et de ses deniers. Par exemple, qualifier des langues de nationales pour une ou des régions pourrait signifier qu’un privilège constitutionnel s’attache à leur utilisation comme véhicule principal ou exclusif de l’enseignement dans ces régions, sans que soit enfreint la règle constitutionnelle d’un enseignement dispensé uniquement dans la ou les langues officielles.

Langue officielle
Une langue officielle est une langue qui est spécifiquement désignée comme telle, dans la Constitution ou les textes de loi d’un pays, d’un État ou d’une organisation quelconque. Le terme langue officielle désigne tout simplement la langue que l’État a estimé à propos d’appuyer de sa puissance pour l’usage public, par une loi constitutionnelle. Les sociolinguistes conviennent qu’une « langue officielle » est la langue de fonctionnement qu’adopte un gouvernement, et la reconnaissance du caractère officiel d’une langue dans un texte juridique s’accompagne généralement de droits linguistiques pour les citoyens. Certains sont d’avis que le statut de «langue officielle» est la plus haute reconnaissance qu’un pays peut attribuer à une langue.
Quelle est la différence entre la langue officielle et la langue nationale ?
Les expressions « langue officielle » et « langue nationale » sont-elles synonymes ? Il semble bien que la réponse à ces questions soit « non » et qu’il y ait une distinction entre les deux expressions, qui renvoient à des notions d’aménagement linguistique distinctes. Conférer à une langue un statut plutôt que l’autre par la voie législative a une incidence sur les fonctions qu’elle remplit dans la société ainsi que sur son rapport avec les autres langues parlées sur le territoire. Pourtant certains utilisent les expressions « langues nationales » et « langues officielles » sans distinction. Or, ces deux expressions ne sont pas interchangeables. Le statut « officiel » oblige le gouvernement à communiquer avec les citoyens et à leur offrir des services dans cette langue. En revanche, une langue désignée comme « nationale » jouit d’une certaine protection de la part du gouvernement qui l’a adoptée et peut faire l’objet de mesures visant à favoriser son emploi dans la société.
Quelle est la différence entre la langue officielle et la langue de travail ?
C’est les textes des nations-unies qui établissent la différence la plus simple :Les six langues officielles des Nations Unies sont : l’arabe, le chinois, l’anglais, le français, le russe et l’espagnol tandis que l’anglais et le français sont les langues de travail du Secrétariat des Nations Unies et sont utilisés au quotidien dans les échanges professionnels.
Donc, une langue officielle peut bien être une langue de travail. Mais dans le cas de notre pays, laquelle de nos langues projetées officielles peut être langue de travail ? L’administration est-elle «alphabétisée» dans nos langues nationales/officielles ? C’est dire qu’on a encore du temps pour utiliser la langue de Djougou, comme vos serviteurs. La mort dans l’âme.

PAR SIKOU BAH

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