Le Conseil de sécurité a mis en ligne en français ce lundi 9 janvier 2023 le quatrième rapport du Secrétaire général sur les enfants et le conflit armé dans notre pays. Ce rapport établi entre le 1er avril 2020 et le 31 mars 2022, expose les tendances et les constantes observées en matière de violations graves commises contre des enfants au Mali. Les violations présentées dans le rapport ont été corroborées par la Minusma et l’UNICEF.
Malgré, l’insécurité et les restrictions d’accès, il recense les violations commises contre des enfants par toutes les parties au conflit, notamment par des groupes armés.
Rappelons que dans le dernier rapport, Ansar Eddine, qui fait partie du Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (GSIM), et le Mouvement national de libération de l’Azawad (MNLA), qui fait partie de la Coordination des mouvements de l’Azawad (CMA), ont été inscrits sur la liste des groupes recrutant et utilisant des enfants et ayant commis des viols et d’autres formes de violence sexuelle contre des enfants. La Plateforme et les groupes qui lui sont affiliés ont été inscrits sur la liste pour avoir recruté et utilisé des enfants.
Violations graves commises contre des enfants
Selon le Rapport, l’équipe spéciale de surveillance et d’information des Nations Unies pour le Mali, qui est coprésidée par la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation au Mali (MINUSMA) et le Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF) a confirmé que 2 095 violations graves avaient été commises contre 1.473 enfants (1 134 garçons, 314 filles et 25 enfants de sexe indéterminé), dont certains ont été victimes de violations multiples.
En outre, l’équipe spéciale a confirmé plus tard 100 violations graves, notamment le recrutement et l’utilisation d’enfants (90), les violences sexuelles (4), les meurtres et les atteintes à l’intégrité physique (3), les enlèvements (2) et les attaques contre les hôpitaux (1).
Dans la majorité des cas (1 161, soit 55 %), la responsabilité des violations confirmées n’a pas pu être attribuée à telle ou telle partie. Toutefois, 805 violations graves (soit plus de 38 %) ont été imputées à des groupes armés. Les forces de sécurité gouvernementales ont été responsables de 129 violations graves, soit 6 % du total. Globalement, les régions de Mopti et de Gao ont enregistré le plus grand nombre de violations graves (559 et 539 respectivement), suivies de Tombouctou (342), de Kidal (289), de Ségou (129), de Ménaka (113) et d’autres régions (124).
Recrutement et utilisation d’enfants
L’équipe spéciale de l’ONU a confirmé que 901 enfants âgés de 4 à 17 ans avaient été recrutés et utilisés (754 garçons et 147 filles), dont 572 qui avaient moins de 15 ans au moment du recrutement. En moyenne, 38 enfants ont été recrutés et utilisés par mois au cours de la période considérée, contre 16 enfants par mois au cours de la période précédente.
Sur ce total, 661 cas ont été attribués à des groupes armés, 98 aux Forces armées maliennes et 142 à des auteurs non identifiés. Il n’a pas toujours été possible d’établir la responsabilité du recrutement et de l’utilisation des enfants car, dans de nombreux cas, les enfants ne pouvaient pas indiquer clairement les noms des groupes auxquels ils étaient associés ou ne le faisaient pas par crainte de représailles.
Les principaux auteurs identifiés étaient les groupes armés signataires de l’Accord pour la paix et la réconciliation au Mali, représentant 58 % du total. Quelque 356 enfants ont été recrutés et utilisés par la CMA [MNLA (146), Haut Conseil pour l’unité de l’Azawad (HCUA) (127), Mouvement arabe de l’Azawad (MAA-CMA) (43) et membre non identifié de la CMA (40)], suivie par : la Plateforme (163) [Ganda Lassai Izo (54), Mouvement pour le salut de l’Azawad (MSA) des Daoussak (36), Ganda Izo (26), Groupe d’autodéfense des Touaregs Imghad et leurs alliés (22), Ganda Koy (21), Front de libération des régions du Nord (FLN) (3) et MAA- Plateforme (1)] ; les chasseurs traditionnels donsos (50) ; le GSIM (44) [Front de libération du Macina (FLM) (29) et membre non identifié du GSIM (15)] ; Dan NanAmbassagou (DNA) (25) ; EIGS (11) ; la Coalition du peuple de l’Azawad (CPA) (5) ; un groupe non identifié du MSA (3) ; MSA des Chamanamas (3) ; et le Mouvement pour l’unification et le jihad en Afrique de l’Ouest (MUJAO) (1).
Les régions ayant enregistré le plus grand nombre de violations sont Kidal (266) et Gao (260), suivies de Tombouctou (171), de Mopti (96), de Ménaka (75), de Ségou (24), de Douentza (8) et de Koulikoro (1).
En outre, l’équipe spéciale a confirmé plus tard le recrutement et l’utilisation de 90 enfants (64 garçons et 26 filles), qui ont eu lieu avant la période considérée et qui ont été attribués au MNLA (32), au Groupe d’autodéfense des Touaregs Imghad (17), au MSA des Daoussak (9), à Ganda Izo (7), au FLM (5), au MSA (5), au MAA-CMA (4), au HCUA (4), à des auteurs non identifiés (3), à l’ADN (2), aux Forces armées maliennes (1) et à Ganda Koy (1) dans les régions de Ménaka (55), de Kidal (17), de Gao (11), de Mopti (6) et de Tombouctou (1).
Aux dires du rapport, ce que dément les FAMa, les Forces armées maliennes ont recruté et utilisé au total, 98 enfants (84 garçons et 14 filles), dont 70 âgés de moins de 15 ans, entre avril et décembre 2020 (1), en 2021 (8) et au premier trimestre de 2022 (89). Les enfants ont été recrutés dans les régions de Gao (74), de Tombouctou (23) et de Ménaka (1) et ont été utilisés pour effectuer des tâches domestiques et des courses. Les enfants sont restés associés aux Forces armées maliennes pour des périodes allant de trois mois à deux ans et 88 d’entre eux étaient toujours utilisés au moment de l’établissement du rapport.
Selon l’ONU, les enfants sont restés associés aux parties au conflit pendant des périodes allant de quelques jours à près de cinq ans. Beaucoup d’entre eux ont été formés au maniement des armes et au moins 97 ont été utilisés comme combattants. Les autres étaient utilisés comme chauffeurs, coursiers, gardes, patrouilleurs, pour les tâches domestiques, pour faire fonctionner les postes de contrôle et à des fins sexuelles. Sur les 901 enfants recrutés et utilisés au cours de la période considérée, 616 ont été libérés, 270 sont toujours associés à des groupes armés et le sort de 15 enfants était inconnu au moment de l’établissement du rapport.
Au cours de la période considérée, 147 filles âgées de 4 à 17 ans, dont au moins 94 âgées de moins de 15 ans, ont été recrutées et utilisées, soit plus du double par rapport aux 60 filles de la période précédente. Au moins 16 de ces filles ont subi des atteintes sexuelles dans le cadre de leur association avec des groupes armés. Les autres étaient surtout utilisées comme cuisinières, ainsi que pour aller chercher du bois de feu et pour faire des courses.
Enfants privés de liberté pour association présumée avec des groupes armés
Durant la période considérée, 38 garçons ont été capturés au cours d’opérations militaires ou arrêtés par les Forces de défense et de sécurité maliennes et les forces internationales pour association présumée avec des groupes armés dans les régions de Mopti (12), de Gao (10), de Ségou (3) et de Ménaka (2) et dans d’autres régions (11). Sur ce total, selon le rapport publié ce lundi 9 janvier, 25 garçons ont été remis aux structures de protection de l’enfance de l’État, conformément au Protocole relatif à la libération et au transfert des enfants associés aux forces et groupes armés, signé en 2013 par l’ONU et le Gouvernement malien. Les 13 autres enfants ont été détenus par les autorités nationales pour des périodes plus longues et en violation du Protocole. Cinq d’entre eux, dont un ressortissant étranger, restent détenus à Bamako dans l’attente de l’évaluation de leur âge. Un garçon de 17 ans a été poursuivi comme un adulte et condamné à la prison à vie.
L’absence de documents civils valides établissant l’âge de ces enfants continue de faire obstacle à leur libération. L’équipe spéciale de l’ONU a plaidé pour l’adoption par les autorités nationales d’autres méthodes crédibles pour évaluer l’âge des enfants.
Meurtres et atteintes à l’intégrité physique d’enfants
Selon le même rapport, au total, 408 enfants (275 garçons, 116 filles et 17 enfants de sexe indéterminé), dont certains âgés d’à peine 3 mois, ont été tués (144) ou blessés (264), contre 495 enfants victimes confirmées au cours de la période précédente. Ces violations ont été attribuées à l’EIDS (53), à l’ADN (8), aux chasseurs traditionnels dozos (6), aux éléments armés peuls (6), au GSIM (5) [y compris un membre non identifié du GSIM (3) et le FLM (2)], au MNLA (5), au MSA des Daoussak (3) et au Ganda Izo (2). D’autres meurtres et atteintes à l’intégrité physique d’enfants ont été attribués à aux Forces de défense et de sécurité maliennes (18) et à l’opération Barkhane (2). Les autres cas (300) n’ont pas pu être attribués à un auteur armé en particulier, y compris ceux qui se sont produits lors d’affrontements entre les parties au conflit. Des violations ont été confirmées dans les régions de Mopti (178), de Gao (122), de Tombouctou (35), de Ménaka (21), de Ségou (18), de Bandiagara (16), de Kidal (12) et de Douentza (5) et à Bamako (1). La plupart des enfants (314) ont été tués ou blessés dans des attaques de groupes armés contre la population civile, les enfants se retrouvant à la merci de tirs de roquettes et de tirs croisés dans le cadre d’affrontements directs. Les 94 autres enfants ont été tués ou blessés par des engins explosifs improvisés et des restes explosifs de guerre. En outre, l’équipe spéciale de l’ONU a confirmé, selon le rapport, plus tard que deux garçons ont été tués et un troisième blessé par des auteurs armés non identifiés (2) et par l’ADN (1) dans les régions de Tombouctou (2) et de Mopti (1) au cours des périodes précédentes.
Viol et autres formes de violence sexuelle
L’équipe spéciale de pays a confirmé que 50 enfants, toutes des filles âgées de 12 à 17 ans, ont été victimes de violences sexuelles pendant la période considérée, contre 74 cas confirmés au moment de l’établissement du rapport précédent. Des violations ont été commises dans les régions de Gao (18), de Mopti (13), de Bandiagara (5), de Tombouctou (4), de Ségou (4), de Ménaka (3), de Douentza (2) et de Kidal (1). La plupart des cas confirmés n’ont pu être attribués à un auteur armé en particulier (39) ; les autres cas ont été imputés aux Forces armées maliennes (9) et au MSA et au GSIM (1 chacun). Le plus grand nombre de cas confirmés a été enregistré en 2021 (35), 7 cas ayant été confirmés entre avril et décembre 2020 et 8 entre janvier et mars 2022. En outre, l’équipe spéciale a confirmé plus tard des violences sexuelles commises au cours des périodes précédentes par les Forces armées maliennes (3) et les MSA (1) sur la personne de quatre filles âgées de 13 à 17 ans dans les régions de Mopti (3) et de Ménaka (1).
Sur les 50 filles survivantes confirmées au cours de la période considérée, 16 ont été exposées à des viols et à d’autres formes de violence sexuelle pendant leur association avec des groupes armés, celle-ci résultant dans la plupart des cas d’un enlèvement. Par exemple, en juillet 2020, dans la région de Ségou, une jeune fille de 15 ans a été mariée de force à un membre d’un groupe armé non identifié et a été emmenée vivre avec ce dernier. Les autorités locales ont été alertées et, après une médiation, la jeune fille est retournée dans sa famille. Dans un autre cas, en octobre 2021, lors d’une attaque d’un groupe armé non identifié contre un village de la région de Gao, 11 filles, dont certaines n’avaient que 13 ans, ont été enlevées et mariées de force à des combattants appartenant à ce groupe.
Attaques visant des écoles
et des hôpitaux
Selon le rapport du secrétaire général de l’ONU, au total, 240 attaques visant des écoles (186) et des hôpitaux (54) ont été confirmées pendant la période considérée, ce qui est plus de trois fois supérieur aux chiffres recensés dans le précédent rapport (216). Les systèmes d’éducation et de santé ont continué de subir de plein fouet les effets du conflit, de la violence intercommunautaire et de l’insécurité généralisée, ce qui a privé des centaines de milliers d’enfants de leurs droits fondamentaux à l’éducation et à des soins de santé de base.
Au total, 186 attaques visant des écoles ont été confirmées dans les régions de Tombouctou (65), de Mopti (62), de Ségou (44), de Gao (8), de Sikasso (2), de Bandiagara (2), de Douentza (2) et de Ménaka (1), soit une augmentation considérable par rapport à la période précédente (169). La plupart des violations n’ont pas pu être attribuées à un auteur armé en particulier (175) ; les autres cas ont été attribués au GSIM (7) et au FLM (4).
Les attaques visant les écoles étaient caractérisées par la destruction et l’incendie d’écoles et d’équipements scolaires, l’agression et le meurtre de membres du personnel scolaire, des pillages, des menaces verbales et écrites contre le personnel et les élèves et l’enlèvement de membres du personnel. Un grand nombre d’écoles ont été fermées en raison des menaces et des attaques des groupes armés. Par exemple, explique le rapport, en janvier 2022, des auteurs armés non identifiés ont pénétré dans une école de la région de Tombouctou pendant les cours. Après avoir proféré plusieurs menaces, ils ont chassé les enfants, brûlé le matériel scolaire et menacé de revenir si l’école rouvrait. En janvier 2021, dans la région de Douentza, des individus armés appartenant à un groupe désigné comme groupe terroriste par l’ONU ont mis le feu à une école et endommagé les archives, les locaux et le matériel de l’établissement.
Enlèvements d’enfants
L’équipe spéciale de l’ONU dans notre pays a confirmé l’enlèvement de 175 enfants (109 garçons, 58 filles et 8 de sexe indéterminé) par des auteurs non identifiés (145), l’ADN (14), le FLM (6), les chasseurs traditionnels dozos (4), l’EIGS (3) et le MAA, le MSA et les Forces de défense et de sécurité maliennes (1 chacun). Les violations ont eu lieu dans les régions de Mopti (79), de Gao (51), de Tombouctou (18), de Ségou (16), de Douentza (5), de Kidal (3) et de Ménaka (3). Ces chiffres représentent plus de quatre fois ceux présentés dans le rapport précédent (38 enfants) et peuvent s’expliquer par l’insécurité croissante et l’intensification des activités des groupes armés, ainsi que par le renforcement des capacités de surveillance et de communication de l’équipe spéciale. De plus, l’équipe spéciale a confirmé plus tard les cas de deux garçons enlevés par des éléments armés du FLM et des dozos dans la région de Mopti, qui se sont produits avant la période considérée. La plupart des cas d’enlèvement (106) se sont produits en 2021, tandis que 68 se sont produits entre avril et décembre 2020 et qu’un cas a été confirmé au premier trimestre de 2022.
Sur les 175 enfants enlevés, 107 ont été libérés ou se sont échappés, 5 ont été tués après leur enlèvement et le sort des 63 autres restait inconnu au moment de l’établissement du rapport. S’il n’a pas été possible de déterminer le but de l’enlèvement dans 66 cas, 20 enfants ont été enlevés à des fins de recrutement, 13 filles à des fins sexuelles et de mariage forcé, 7 enfants pour avoir été accusés d’être des traîtres et 1 garçon pour n’avoir pas gardé les animaux d’un groupe armé.
Dans tous les cas, sauf mauvaise foi de la part de l’ONU, on ne peut pas dire que les forces armées du Mali ont utilisé des enfants à des fins militaires, et avec des glissements sémantiques comme des enfants soldats. Car il y a une sacrée différence entre un enfant domestique et un enfant soldat. Sinon à Bamako, même ou à Paris dans les familles, les enfants font les courses !
Quelle sacrée objectivité ! Sur la base d’un seul enlèvement opéré l’année dernière (2022), l’ONU arrive à la conclusion que l’augmentation du nombre des d’enfants ne peut s’expliquer que par l’accroissement de l’insécurité et l’intensification des activités des groupes armés. Or, en 2021, son équipe très spéciale a enregistré 106 cas d’enlèvements et en 2020 elle a recensé 68 cas. Mais bon, c’est comme Jean Miché Kankan : on monte, on descend, un cadavre va mourir…, sic !
La Rédaction